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Google Images: le « copieur » à ne pas copier !

Cabinet Bouchara

Mise à jour le 12 janvier 2022
Google Images : le « copieur » à ne pas copier !

Les droits d’auteur sont mis à l’épreuve au quotidien. Si le développement d’Internet a permis la communication instantanée des internautes, il facilite en contrepartie les violations de droits. Mais au-delà du comportement des internautes, bafouant ou ignorant de la réalité des droits d’auteur, des procédés techniques remettent en cause certaines règles traditionnelles de la propriété intellectuelle.

G oogle en offre une parfaite illustration : après le fameux problème de l’hyperlink (CJUE, 13 février 2014, Nils Svensson c/ Retriever Sverige AB, affaire C-466/12), le service Google Images a pu être remis en cause.
Ce service permet de trouver sur Internet des images en rapport avec un sujet donné. La page de résultats de la recherche est constituée de mosaïque d’images présentées sous forme de vignettes étant des liens hypertextes renvoyant aux sites d’origine.

Ce système fait appel à la méthode de la transclusion (framing), qui consiste à inclure, par référence, un document ou une partie d’un document (lien d’un site internet) dans un autre (image). Certains auteurs ont pu s’attaquer à Google au motif que les utilisateurs pouvaient visualiser des miniatures d’images soumises aux droits d’auteur sur le moteur de recherche Google Images.

Etats-Unis : la légalité du framing sous réserve d’un usage loyal

La question des vignettes de Google Images s’est d’abord posée dans deux affaires connexes Perfect 10, Inc. v. Google Inc. et Perfect 10, Inc. v. Amazon.com, Inc., qui ont fait l’objet d’une jonction devant la Cour d’appel du Neuvième Circuit (Perfect 10, Inc. v. Amazon.com, Inc./Google Inc., 9th Cir., December 3, 2007, 508 F.3d 1146).

Il faut ici rappeler que la législation américaine connaît un système d’exceptions au droit d’auteur, très flexible et bien différent du nôtre, articulé autour de la notion de fair use (usage loyal).

Pour déterminer la violation ou non du droit d’auteur, les juges s’appuient sur une liste de facteurs posés par la section 107 du US Code (17 U.S. Code § 107 – Limitations on exclusive rights: Fair Use), à savoir :

  • la finalité de la reprise de l’œuvre et la nature de l’usage (utilisation à des fins commerciales, éducatives à but non lucratif etc…) ;
  • la nature et la valeur de l’œuvre protégée par le droit d’auteur ;
  • l’importance de l’emprunt par rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée et ;
  • les effets de cet usage sur le marché pertinent ou sur la valeur de l’œuvre protégée.

Les juges se livrent donc à une appréciation in concreto pour déterminer si une personne a utilisé un contenu protégé de façon loyale ou si, au contraire, elle a franchi la limite, et violé les droits exclusifs de l’auteur sur sa création.

Dans l’affaire impliquant Google Inc., les juges ont écarté la violation des droits d’auteur détenus par la société Perfect 10 en retenant l’usage loyal de la société Google pour les motifs suivants :

  • l’usage des œuvres par la société Google revêt un caractère transformatif :
  • l’œuvre de la société Perfect 10 était utilisée par Google comme plateforme de redirection, pour informer l’utilisateur sur le contenu du site sur lequel il allait être redirigé, tandis que la fonction de la création initiale tenait au divertissement ;
  • l’auteur n’a pas démontré un quelconque préjudice, moral ou économique, du fait de la reprise de son œuvre par Google.

Fort heureusement, la jurisprudence a écarté la violation de droits d’auteur. Une solution contraire aurait en effet remis en cause de nombreuses pratiques de plateformes informatiques, et n’aurait surtout pas pu être appliquée sans modifier drastiquement la société d’information dans laquelle nous vivons.

Cette approche pragmatique à l’américaine se fait toutefois rare en droit français, qui offre un régime bien plus protecteur du droit d’auteur.

France : légalité du framing en l’absence de communication au public

L’article L.122-4 du Code de la propriété Intellectuelle énonce que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

Dans une affaire opposant la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe (SAIF) à la société Google (CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 26 janvier 2011, RG n° 08/13423), le juge français a tout d’abord retenu l’application du droit français qui était remise en cause par le défendeur, dès lors que le litige portait sur la numérisation d’œuvres d’auteurs français et que les sociétés demanderesses étaient établies en France.

Toutefois, malgré l’application d’un droit d’auteur plus protecteur, la responsabilité de Google a été écartée au visa de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et de ses dispositions spécifiques aux services de référencement.

Pour la Cour d’appel de Paris, la reprise de l’œuvre protégée ne constitue pas une représentation ou une reproduction dès lors que ladite œuvre est utilisée comme un outil de recherche : une ligne de code établit un lien vers une image publiée par un tiers.

De ce constat, les juges ont écarté le rôle actif de la société Google dans la copie de l’œuvre protégée, dès lors que la société créait seulement un chemin vers le contenu, en indexant les images et en créant un algorithme.

En effet, les juges ont estimé « qu’en fournissant ce moyen de consultation le prestataire de service est neutre ; qu’il n’excède donc pas dans son service de référencement les limites d’un prestataire intermédiaire, ne mettant pas en œuvre une fonction active au sens de la LCEN ».

L’incorporation d’une œuvre dans une page Internet d’un tiers par la technique de la transclusion n’est donc pas en soi considérée comme une reproduction de l’œuvre et peut être librement pratiquée par les plateformes.

Cour de Justice de l’Union européenne : légalité du framing sous réserve de l’absence de mesures de protection prises par les titulaires de droits

Pour qu’il y ait reproduction et représentation, l’œuvre doit avoir été communiquée au public selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un public nouveau, n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public (CJCE, 7 décembre 2006, Sociedad General de Autores y Editores de España c/ Rafael Hoteles SA, affaire C-306/05, points 40 et 42 ; CJUE, 18 mars 2010, Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon c/ Divani Akropois Anonimi Xenodocheiaki kai Touristiki Etaireia, affaire C-136/09 ; CJUE, 7 mars 2013, ITV c/ TVCatchup Ltd, affaire C-607/11, at 39).

Ainsi, pour la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 21 octobre 2014, BestWater international GmbH v. Michael Mebes und Stefan Potsch, affaire C-348/13), en matière de vignettes, c’est parce que la technique du framing n’implique pas une communication au public au sens de l’Article 3 de la Directive(Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information) qu’elle n’est pas répréhensible.

Dès lors qu’une œuvre est librement disponible sur le site vers lequel le lien Internet redirige, il doit être considéré que, lorsque les titulaires du droit d’auteur ont autorisé cette communication, ceux-ci ont pris en compte l’ensemble des internautes comme public.

Toutefois, la solution est différente lorsque le titulaire du droit d’auteur a adopté ou imposé des mesures de restrictions contre la transclusion de ses œuvres.

Dans une décision de 2021, la CJUE a en effet retenu qu’un lien de transclusion, dès lors qu’il contourne des mesures de protection, est susceptible de constituer une violation du droit d’auteur car il s’agit d’une mise à disposition de l’œuvre à un public nouveau,  soumise à autorisation préalable du titulaire du droit d’auteur (CJUE, 9 mars 2021, VG Bild-Kunst/Stiftung Preußischer Kulturbesitz, affaire C-392/19).

Les apports de la nouvelle directive du 17 avril 2019

En principe, l’auteur peut exiger une redevance pour la communication de son œuvre au public.

Toutefois, si elle ne contourne pas des mesures de blocage, la technique de transclusion ne constitue pas une telle communication, de sorte que l’auteur se retrouve dépourvu de moyen pour exiger une telle rémunération.

Le cas des miniatures Google est révélateur d’un des nombreux défis auxquels les droits d’auteur font face à l’heure digitale.

S’est pendant longtemps posée la question de savoir comment Google pouvait-il payer pour des « clics » dirigeant vers des contenus qu’il n’a même pas produits.

Après une longue bataille, une nouvelle directive du 17 avril 2019 a été adoptée (Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE).

Elle a notamment pour but de permettre aux auteurs d’obtenir de meilleurs accords de rémunérations pour la diffusion de leurs œuvres sur les plateformes internet.

Les plateformes telles que Google ont aujourd’hui l’obligation de conclure des accords avec les titulaires de droit prévoyant soit une rémunération lorsque celles-ci sont téléversées, soit le retrait des contenus dont la publication ne respecte pas le droit d’auteur.

Les sociétés de gestion collectives SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe) et ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques) annonçaient d’ailleurs l’été dernier la conclusion d’un accord de partenariat avec Google, ayant notamment pour objet la mise en place d’un fonds pour les artistes ainsi qu’un accord de licences pour l’utilisation du répertoire de leurs œuvres dans les produits de Google.

L’ordonnance du 12 mai 2021 (Ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021) a transposé les dispositions des articles 17 à 23 de la directive de sorte qu’aujourd’hui, en droit français, la responsabilité des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne tels que Google, peut être recherchée pour des contenus contrefaisants téléversés par d’autres utilisateurs.

L’article 17 de la directive affirme clairement qu’un fournisseur de services qui donne accès en ligne à des œuvres ou d’autres objets protégés téléversés par les utilisateurs effectue un acte de communication ou un acte de mise à disposition du public, de sorte que tous les contenus doivent être postés avec autorisation préalable des titulaires de droits.

Par ailleurs, la plateforme réalise un acte de représentation si elle donne accès à une œuvre protégée par le droit d’auteur.

Aussi, elle a pour obligation :

  • D’obtenir l’autorisation préalable des titulaires de droits ;
  • De garantir l’indisponibilité des œuvres protégées et être réactive lorsqu’un titulaire de droits l’informe de la présence d’une œuvre protégée non autorisée, en bloquant l’accès à l’œuvre copiée, en la retirant ou en prenant toute mesure permettant qu’elle ne soit plus téléversée dans le futur et ;
  • De fournir « ses meilleurs efforts » pour se conformer à ses obligations (Article L. 137-2 du Code de la Propriété Intellectuelle en vigueur depuis le 14 mai 2021).

Si le fournisseur n’a pas été préalablement autorisé à diffuser l’œuvre protégée, et qu’il n’est pas en mesure de démontrer qu’il a fourni ses meilleurs efforts pour lutter contre la présence de ces contenus contrefaisants, les titulaires de droits pourront alors engager une action à son encontre au titre de la contrefaçon.

La transposition de cette directive vient également renforcer la protection des auteurs en leur consacrant un droit à rémunération par la plateforme de partage de contenus en ligne, laquelle doit être appropriée et proportionnelle (Article 18 de la Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du conseil du 17 avril 2019).

Les plateformes sont également tenues d’une obligation de transparence.

La directive prévoit par ailleurs un mécanisme de réajustement de la rémunération ainsi qu’une possibilité de résiliation en cas d’absence totale d’exploitation de l’œuvre par la plateforme.

Les accords demeurants confidentiels, il reste à voir si en pratique les auteurs et leurs représentants parviennent à obtenir de Google une protection et/ou une rémunération adéquate.

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