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Le droit à l’image

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 16 janvier 2022

Le droit à l’image

Le droit à l’image est un droit de la personnalité qui permet à toute personne, célèbre ou anonyme, de s’opposer à l’utilisation de son image, ou tout autres traits identifiables, y compris sa voix, sans son autorisation.

La jurisprudence protège le droit à l’image en se fondant sur l’article 9 du Code Civil dont le premier alinéa prévoit que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Selon une jurisprudence ancrée « toute personne a sur son image et l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation » (CA Paris, ch. 1, 23 mai 1995).

Les atteintes opposables

Les conditions requises pour qu’une atteinte à l’image d’une personne soit constituée sont les suivantes :

  • Il faut que la personne soit identifiable et reconnaissable sur la publication incriminée.

Cependant, pour qu’il y ait identification, il n’est pas nécessaire que le visage de la personne soit visible, dès lors qu’un autre élément reconnaissable et rattaché à sa personne permet son identification, comme un tatouage, par exemple.

En effet, le Tribunal de grande instance a, par exemple,rappelé que toute personne dispose d’un droit exclusif sur son image ainsi que l’utilisation qui en est faite, “dont la seule violation caractérise l’urgence, et ce peu importe que le visage du demandeur soit “flouté” ou non (…), dès lors que le reste de son corps, attribut du droit à l’image, apparait.” (TGI Paris, ordonnance de référé, 16 novembre 2018).

A défaut d’identification, il ne saurait y avoir d’atteinte au droit à l’image.

  • Il faut une absence de consentement de la personne apparaissant sur l’image.

L’expression du consentement doit être expresseécrite et suffisamment précise quant aux conditions d’exploitation de l’usage (durée, supports). Idéalement il faudrait que les photographies soient annexées, ou à tout le moins identifiables (référence à une date de prise de vue par exemple).

En ce qui concerne les personnes mineures, le consentement des parents est requis.

Il n’est pas possible de se rétracter une fois le consentement donné, cependant il existe des recours en cas d’abus de l’utilisation de l’image (à titre d’exception, on peut souligner que sur le plan pénal, l’article 226-1 du Code pénal sanctionne toute « atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : […] 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »).

Par exemple, si aucun délai n’est mentionné sur l’autorisation préalable, ou si l’image fait l’objet d’un montage sans que cela soit spécifié ou évident.

Enfin, ce n’est pas parce qu’une personne a accepté de se faire photographier que son image peut être utilisée sans son autorisation.

Les limites du droit exclusif du titulaire

Il n’est parfois pas possible de s’opposer à l’utilisation de l’image d’une personne sans son autorisation.

Tout d’abord, étant donné qu’il faut une utilisation publique pour que cela puisse constituer une atteinte, l’usage dans un cercle restreint de personne n’est pas constitutif d’une atteinte au droit à l’image.

Par ailleurs, l’usage de l’image à titre d’information peut, dans certaines conditions, être possible. Dans ce cas, il faut que l’utilisation de l’image de la personne représentée le soit pour les besoins de l’actualité, d’un débat d’intérêt général ou d’un sujet historique, et que l’image soit directement liée à l’événement. Le droit à l’information ne pourra pas être invoqué s’il y a atteinte au respect de la vie privée ou si l’image est utilisée à des fins commerciales ou publicitaires par exemple.

Il est souvent difficile de mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à l’information. Pour remédier à cette difficulté, les juges ont mis en place des critères.

Ainsi, selon les Juges, l’atteinte à la vie privée doit être appréciée en fonction de plusieurs critères comme “la contribution de l’information publiée à un débat d’intérêt général, de la notoriété de la personne concernée, du contenu et des répercussions de la publication sur la vie privée de l’intéressé et de l’intrusion qu’a nécessité l’obtention des informations ou clichés publiés.”(Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 mars 2018, 16-28.741).

À titre d’exemple, la Cour de cassation a rendu un arrêt en reprenant l’application de ces critères. Dans cette affaire, le magazine Paris Match avait publié, en page de couverture, une photo de deux anciens ministres en voyage, rapportant ainsi leur séjour amoureux, quelques semaines après leur démission du gouvernement. La Cour de cassation a alors estimé que l’article portait atteinte au droit à l’image des deux anciens ministres car “ bien que la démission conjointe de E… et de B… ait constitué un sujet d’intérêt général, l’article litigieux était consacré à la seule révélation de leur relation amoureuse et à leur séjour privé aux Etats-Unis, de sorte qu’il n’était pas de nature à nourrir le débat public sur ce sujet.” (Cour de cassation, Première Chambre civile, Arrêt nº 187 du 11 mars 2020, Pourvoi nº 19-13.716).

Enfin, les droits de la personnalité ne sont pas transmissibles, ainsi, les héritiers d’une personne décédée ne pourront s’opposer à l’utilisation de son image en se fondant sur le droit à l’image de la personne défunte. 

La Cour de cassation l’a, notamment, très clairement rappelé dans un arrêt en date du 31 janvier 2018, “(…) le droit à l’image, attribut de la personnalité, s’éteint au décès de son titulaire et n’est pas transmissible à ses héritiers.” (Cass. Civ. 1ère, 31 janvier 2018 n°16-23.591).

C’est ce qui a notamment été jugé dans une affaire dite « l’affaire de la victime du Bataclan » dans laquelle les juges ont refusé de poursuivre l’éditeur d’un journal qui avait diffusé une photo d’une victime du Bataclan ensanglanté, au motif que seul le défunt pouvait poursuivre l’éditeur pour une telle atteinte. Cependant, il existe des poursuites civiles qui permettent à la famille d’obtenir des dommages et intérêts pour atteinte à la dignité d’une personne décédée.

Les voies de recours

Quels sont les recours en cas d’utilisation non autorisée de son image ?

Lorsqu’il est porté atteinte à l’image d’une personne, cette dernière peut saisir le juge civil ou le juge pénal.

La saisine du juge civil permettra de faire cesser l’atteinte (les images représentant la personne cesseront d’être diffusées) et d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’utilisation de(s) image(s) sans autorisation.

Par exemple, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la diffusion de l’image d’un fonctionnaire de l’administration des impôts procédant à un contrôle fiscal dans une vidéo, sans son consentement constituait une atteinte au droit à l’image (Cass. Ch. civ 1 15/01/2015).

Une action pénale est également possible sur le fondement des articles 226-1, 226-2 et 226-8 du Code Pénal permettent d’engager la responsabilité pénale de l’auteur de la publication d’une image sans autorisation, mais cette voie est rarement employée par les victimes d’atteintes.

Par exemple, récemment dans un arrêt du 16 mars 2016, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a condamné l’ancien compagnon de la plaignante qui avait diffusé sur Internet des photos d’elle nue et enceinte ; au motif que le consentement lors de la prise d’une photo n’entraine pas automatiquement le consentement lors de la diffusion de la photo.

La CNIL permet enfin aux victimes d’utilisation de leur image sans leur consentement d’effectuer un signalement en déposant une plainte en ligne sur son site. Elle peut prononcer plusieurs types de sanctions : avertissement, injonction ou sanctions pécuniaires.

Lorsque son image est utilisée sur Internet, la question s’est posée de savoir si les hébergeurs pouvaient être responsables. Or, en vertu de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, les hébergeurs ne sont pas responsables des images stockées sur leurs sites s’ils n’ont pas connaissance de leur caractère illicite. Il convient donc de les notifier en respectant les prescriptions de la LCEN afin d’obtenir leur intervention et la suppression des images des sites hébergés.

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