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Le « Paquet droit d’auteur » : indispensable au nouvel…

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 16 janvier 2022
Le « Paquet droit d’auteur » : indispensable au nouvel environnement numérique

Dictée par l’innovation technologique et scientifique, notre société moderne ne pourra se développer et se maintenir durablement sans un respect effectif des droits de propriété intellectuelle.

Annoncé dans une communication de la Commission européenne en date du 9 décembre 2015, intitulée « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur », le « Paquet droit d’auteur » a été présenté au grand public le 14 septembre 2016.

Par la suite, la Directive (UE) 2019/790 (Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique ) et la Directive (UE) 2019/789 (Directive (UE) 2019/789 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio) ont été adoptées par le Parlement européen et le Conseil le 17 avril 2019, reprenant en partie les propositions annoncées en 2016.

Afin d’appréhender pleinement les différents enjeux du Paquet droit d’auteur, nous vous en proposons un exposé à la fois succinct et critique de son contenu et des évolutions législatives.

Le 14 septembre 2016, le Parlement européen et le Conseil dévoilaient la composition du « Paquet droit d’auteur ».

Ce dernier était alors composé de quatre propositions de normes : deux directives (n°2017/1564 et n°2016/0280) accompagnées de deux règlements (n°2017/1563 et n°2016/0284).

Parmi ces quatre textes, la directive n°2017/1564 et le règlement n°2017/1563 ont déjà été adoptés sans débats grands publics eu égard à leur objet.

Cependant, de nombreux débats ont eu lieu sur les dispositions de la Directive n°2016/0280 et le Règlement n°2016/0284, et après plus de deux ans et demi, ils ont enfin été validés et adoptés par le Parlement européen.

Un renforcement de l’accès à la culture pour les déficients visuels

La Directive n°2017/1564, devant être transposée en droit interne avant le 11 octobre 2018, porte « sur certaines utilisations autorisées de certaines œuvres et d’autres objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés et modifiant la Directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ».

La Directive a été partiellement transposée en droit interne par la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Le Règlement n°2017/1563, quant à lui, est applicable depuis le du 12 octobre 2018, et « relatif à l’échange transfrontalier, entre l’Union et des pays tiers, d’exemplaires en format accessible » de certaines œuvres au profit des aveugles et déficients visuels.

La Directive n°2017/1564 et le Règlement n°2017/1563, organisent une exception au droit d’auteur au profit des aveugles, déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.

En pratique, les exemplaires d’œuvres ou d’autres objets présentés sous une forme spéciale permettant aux personnes bénéficiaires d’en avoir accès, réalisés dans un Etat membre, ne seront plus soumis à l’autorisation du titulaire des droits d’auteurs ou voisins pour être diffusés et accessibles dans l’ensemble de l’Union.

Ces deux textes ont été adoptés à l’unanimité, ce qui peut se comprendre aisément.

Une opposition étatique à l’élargissement de la transmission en ligne des radiodiffuseurs

La proposition de Règlement n°2016/0284 « établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines diffusions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions d’émissions de télévision et de radio » avait pour objectif de promouvoir la fourniture transfrontière de services en ligne accessoires aux diffusions.

La proposition de Règlement prévoyait également l’accroissement de la possibilité de diffusion directe ou à la demande d’émissions de TV et de radio provenant d’autres Etats membres.

L’idée principale étant celle de la concrétisation d’un marché intérieur de la radiodiffusion sans frontières intérieures s’inscrivant dans le contexte plus général du marché unique numérique.

Les autorités françaises s’opposent néanmoins par principe à cette question en considérant que les effets d’un tel Règlement constitueraient en effet un frein à la croissance de la VOD européenne alors qu’au même moment des acteurs extra européens s’introduisent chaque jour sur le marché et créent une évidente rupture d’égalité.

Néanmoins, l’avantage de cette mesure serait un élargissement de nos horizons télévisuels et audiovisuels à moindre coût au sein de l’UE.

Le règlement étendait également le recours au principe du pays d’origine pour régir la radiodiffusion par satellite, tel que posé par la Directive n°93/83/CEE du 27 septembre 1993 « relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble ».

Une telle mesure pourrait, à terme, affaiblir la territorialité des droits d’auteur puisque le règlement considère comme fiction juridique que les services de TV de rattrapage et de retransmission directe en ligne sont censés avoir lieu uniquement dans le pays d’établissement du radiodiffuseur concernant l’exercice des droits. Ainsi, ce dernier n’aurait pas, par principe, à demander aux titulaires des droits d’auteur une autorisation particulière d’exploitation pour telle ou telle zone.

La réserve des autorités françaises sur ce point semble pleinement fondée eu égard aux enjeux en présence. Il s’agirait en effet d’une accentuation du déséquilibre relationnel entre les titulaires de droits d’auteurs et les professionnels de la radiodiffusion, relation déjà peu équilibrée par essence.

Malgré la réserve des autorités françaises sur le sujet, la Directive n°2019/789 du 17 avril 2019, remplaçant la proposition de Règlement n°2016/0284, a bel et bien consacré le principe du pays d’origine, en prévoyant, à l’article 3, que les actes de communication ou de mise à disposition par la fourniture transfrontière d’un service en ligne accessoire sont « réputés avoir lieu uniquement dans l’État membre dans lequel l’organisme de radiodif­fusion a son principal établissement ».

L’article 3 prévoit également que les dispositions précitées sont supplétives de volonté.

Seuls les programmes de radio et de télévision (à savoir programmes d’actualités, d’informations et des productions appartenant à l’organisme) sont concernés par cette disposition.

Une directive (trop) ambitieuse d’adaptation du droit d’auteur au marché unique numérique

La proposition de directive n°2016/0280 « sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique » n’était, quant à elle, pas passée inaperçue auprès des acteurs du numérique.

Elle entendait mettre en place huit principales mesures.

Premièrement, parmi les mesures proposées par la directive, trois constituent des exceptions à l’applicabilité du droit d’auteur et complètent les exceptions optionnelles de la Directive européenne n°2001/29/CE : l’éducation, la fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique et la préservation du patrimoine culturel et enfin la reproduction d’œuvres effectuée à des fins non commerciales de conservation par les bibliothèques publiques, musées ou archives.

Ces nouvelles exceptions relevaient de l’intérêt général et étaient donc légitimes puisque la sécurité juridique entourant les utilisations transfrontières n’est, à ce jour, garantie par aucun texte juridique européen permettant une harmonisation des éventuelles législations nationales en la matière. Sur ce point, la directive est donc accueillie sans controverse particulière.

Le second objectif de la Directive était celui de l’amélioration des pratiques en matière de licence sur les œuvres mais également l’élargissement de l’accès aux contenus en ligne protégés par le droit d’auteur. Cet objectif n’était lui aussi que très peu critiquable eu égard à son objectif de permettre un plus grand choix de contenu en ligne, amélioré et transfrontière.

Cela porte plus concrètement sur un accroissement de la marge de manœuvre laissée aux institutions de gestion du patrimoine culturel d’utiliser, à des fins non commerciales, des œuvres non accessibles au public, qui se trouvent néanmoins à titre permanent dans leurs collections, par le biais des circuits commerciaux habituels.

Sans surprise, cette proposition a été consacrée par la Directive n°2019/790, nouvelle directive qui a remplacé la proposition de Directive n°2016/0280, à l’article 8 en prévoyant la possibilité pour les institutions du patrimoine culturel d’obtenir des licences afin de diffuser auprès du public des œuvres indisponibles dans le commerce se trouvant dans leur collections permanentes.

L’article 6 de la Directive prévoit aussi la possibilité pour les institutions du patrimoine culturel de réaliser des copies des œuvres ou de tout objet se trouvant dans leur collections permanente, sans l’autorisation des titulaires des droits.

Pour répondre à ce second objectif, la proposition de Directive prévoyait également une plus grande disponibilité des œuvres audiovisuelles, encore sous licences de droits, sur les plateformes de vidéo à la demande par un mécanisme particulier de négociation impartiale de licence avec le titulaire des droits.

Sur ce point, la Directive n°2019/790 a également retenu cette proposition en prévoyant à l’article 13, en cas de difficultés rencontrées lors de l’octroi de licence de droits pour la mise à disposition d’œuvres audiovisuelles sur des services de vidéo à la demande, la possibilité de recourir à l’assistance d’un organisme impartial ou de médiateurs.

Il convient également de noter que les Etats membres ont jusqu’au 7 juin 2021 pour notifier à la Commission le nom de l’organisme ou des médiateurs choisis.

Le dernier objectif de la proposition de Directive, ambitieux en la forme mais hautement critiquable sur le fond, était celui de l’amélioration du fonctionnement du marché des droits d’auteur. L’idée est celle d’un rééquilibre de la balance en faveur des créateurs d’œuvres mais aussi, et plus généralement, du secteur de la création et de la presse.

Rééquilibrer la balance de ces différents acteurs ne peut donc se faire qu’au détriment du consommateur et donc, plus généralement, de l’accès à la culture et à l’information de ce dernier.

La proposition de Directive entend en effet créer un droit voisin des éditeurs de publication de presse pour la reproduction et la communication au public de leurs publications dans le cadre des utilisations numériques.

Ce droit était prévu pour perdurer vingt ans à compter de la publication en ligne de l’article, ce qui représente une éternité dans le monde numérique. Les éditeurs de presse pourront concéder des licences, par principe onéreuses, pour l’utilisation en ligne de leurs publications.

Il s’agissait manifestement d’une volonté de consécration au niveau de l’Union de la « Lex Google » adoptée par l’Espagne le 28 octobre 2014 et obligeant les blogueurs comme les éditeurs d’articles de presse à faire payer les agrégateurs d’informations.

Pour rappel, cette loi avait entraîné la fermeture de la plateforme Google News, alors principal agrégateur d’articles de presse et source incontournable d’information pour les internautes espagnols qui pouvaient sur une seule et même plateforme croiser les différentes informations et ainsi faire marcher leur esprit critique.

Il est évident qu’une telle mesure est prise pour protéger le secteur de la presse, mais à quel prix ? Celui de ne plus pouvoir diffuser librement l’information à l’ère du numérique et de la société de l’information ? Le combat est juste mais les armes non adaptées.

En dépit de cela, le droit voisin des éditeurs et des agences de presse a finalement bien été consacré à l’article 15 de la Directive n°2019-790 et a été transposé partiellement en droit français par la loi n°2019-775, du 24 juillet 2019.

L’article L.211-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit désormais que les éditeurs de presse et les agences de presse bénéficient de droits voisins.

La durée des droits patrimoniaux des éditeurs et des agences de presse a finalement été fixée à deux ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication selon l’article L.211-4 du même Code.

Un nouvel article L.218-2 du Code de la propriété intellectuelle a été introduit prévoyant que “L’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne.”

Il convient toutefois de préciser que cette disposition a vocation à s’appliquer uniquement à l’encontre des éditeurs de presse ou agence de presse ayant leur siège social ou établissement principal situé dans l’un des Etats membres de l’Union européenne et pour les publications de presses qui seraient postérieures au 6 juin 2019.

La même critique valait en ce qui concernait la proposition d’obligation incombant aux plateformes de filtrer automatiquement les contenus diffusés en ligne au moyen d’algorithmes permettant d’identifier et de bloquer les œuvres considérées comme protégées par un droit d’auteur.

Une fois de plus l’idée était noble mais venait à rebours de la Directive e-commerce n°2000/31/CE qui fixait un régime de responsabilité allégée des fournisseurs d’accès internet et des hébergeurs.

Avec cette nouvelle mesure, on se  serait dirigé de fait vers une police privée des entreprises qui sévirait dès la mise en ligne de contenus et pourrait potentiellement abuser de ses pouvoirs en censurant de manière disproportionnée les contenus qui ne lui conviendraient pas au détriment du libre accès à la culture et à l’information.

Rappelons à bon entendeur, que l’accès à la culture et à l’information sont des droits fondamentaux par extension, apportant les outils critiques indispensables au libre arbitre de tout individu.

Un système tout aussi protecteur des droits d’auteurs que la Directive n°2016/0280 doit effectivement être adopté en urgence.

Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment du consommateur qui se voit légalement privé de ce formidable outil d’accès à la culture et à l’information qu’est l’outil numérique.

La Directive n°2019/790 n’aura finalement pas consacré l’obligation de filtrage incombant aux plateformes en ligne.

Toutefois, un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes a été mis en place.

En effet, l’article 17 de la Directive 2019/790 prévoit que tout partage de contenu en ligne qui donnerait accès à une œuvre protégée par un droit d’auteur constitue un acte de communication au public.

Dès lors, il incombe désormais aux plateformes en ligne tels que YouTube, Amazon Prime Vidéo ou encore Netflix, d’obtenir une autorisation des titulaires de droits d’auteur avant tout acte de communication au public, par le biais d’un contrat de licence par exemple.

Ainsi, la responsabilité des plateformes peut être engagée dès lors qu’un contenu non autorisé est diffusé sur leur plateforme.

Dès qu’ils ont connaissance d’une diffusion non autorisée, les plateformes devront agir « promptement » et fournir « leurs meilleurs efforts » pour y mettre fin.

À défaut leur responsabilité peut être engagée.

En droit français, l’article 17 a été transposé par l’ordonnance du 12 mai 2021 (Ordonnance n°2021-580, 12 mai 2021, JO 13 mai 2021), dont les nouvelles dispositions entreront en vigueur à compter du 7 juin 2021.

Qu’on l’accepte ou non, le « Paquet droit d’auteur » permet d’établir un certain équilibre entre les auteurs et les grands acteurs du numérique. La recherche d’un tel équilibre relève d’une urgence face à l’importance croissante des acteurs du numérique.

Les Directives (UE) 2019/789 et 2019/790 adoptées le 17 avril 2019 permettent ainsi d’apporter des nouveautés en adéquation avec le marché du numérique tout en harmonisant le droit européen au regard des droits d’auteur et des droits voisins.

En France, les deux Directives n’ont été que partiellement transposées, il faudra donc attendre leur transposition effective afin d’apprécier toutes les conséquences sur le marché français.

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