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Annulation des marques GARUM et GARUM ARMORICUM

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 12 avril 2021

Annulation des marques GARUM et GARUM ARMORICUM pour défaut de caractère distinctif

Par Jugement du 6 mars 2014 (TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 6 mars 2014, n°11/16210), le Tribunal de Grande Instance de Paris a prononcé la nullité des marques GARUM et GARUM ARMORICUM de la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE pour défaut de caractère distinctif.

C

ette dernière est spécialisée depuis 1973 dans la conception et fabrication de compléments alimentaires et produits diététiques, lesquels sont commercialisés en France et à l’étranger. Dans le cadre de cette activité, elle a créé, sous le nom GARUM ARMORICUM, un complément alimentaire aux effets bénéfiques pour la mémoire, la concentration et l’équilibre psycho-émotionnel, commercialisé sous la marque ombrelle STABILIUM depuis 1983.

Elle avait procédé au dépôt de plusieurs marques GARUM et GARUM ARMORICUM, notamment:

  • La marque française GARUM ARMORICUM n° 1384517 le 11 décembre 1986 en classes 3, 5 et 29 ;
  • La marque française GARUM n° 1703642 le 30 octobre 1991 en classes 5 et 29 ;
  • La marque de l’Union européenne GARUM ARMORICUM n°3497484 le 31 octobre 2003 en classes 3, 5 et 29 ;
  • La marque de l’Union européenne GARUM n° 3501939 le 31 octobre 2003 en classes 5 et 29.

De son côté, la société italienne CLAVIS, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits naturels et de compléments alimentaires, avait créé, en 2009, un complément alimentaire dénommé CLAVIS HAMONIAE servant à atténuer les effets du stress et de la fatigue. Ce complément était notamment composé, entre autres, de « garum armoricum », et était commercialisé en ce sens..

Estimant que l’utilisation du terme « garum armoricum » pour des compléments alimentaires constituait une utilisation de sa marque en violation de ses droits, la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE a alors assigné cette société sur le fondement de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale.

Reconventionnellement, la société CLAVIS a en défense demandé à ce que soit prononcée la nullité des marques invoquées pour défaut de caractère distinctif.

Sur la validité des marques GARUM et GARUM AMORICUM

Le Tribunal a retenu que « garum armoricum » est, depuis l’antiquité, le nom commun en latin d’un extrait de poisson originaire de la région Armorique ayant des effets bénéfiques pour la santé.

En effet, le terme GARUM est un terme latin désignant un autolysat d’origine marine, à utilisation à la fois condimentaire (comme sauce) et médicale, obtenu des viscères de différentes espèces de poissons.

Par ailleurs, le terme AMORICUM ne fait que désigner l’origine géographique des poissons à partir desquels l’autolysat est préparé, à savoir la région Armorique, l’actuelle Bretagne.

En conséquence, les termes GARUM et AMORICUM servent seulement à décrire la qualité essentielle des produits et services visés en classe 5 et 29, et ce, depuis la date de dépôt des marques.

Par conséquent, étant donné que ces termes sont les désignations nécessaires et usuelles pour désigner ces ingrédients, ils doivent, par essence, rester accessible à tous.

Ainsi, la société CLAVIS pouvait légitimement exploiter ces termes qui sont dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article L.711-2 3° du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que l’article 7 du règlement CE 40/94 du 20 septembre 1993 (aujourd’hui abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne).

C’est ainsi naturellement que les demandes sur le fondement de la contrefaçon ont été rejetées par le Tribunal de Grande Instance, et que la demande en nullité a été accueilli pour défaut de distinctivité de la marque verbale française « Garum Armoricum » et de la marque verbale communautaire « Garum Armoricum »  enregistrées en classe 29 pour des produits alimentaires à base de poisson, de crustacés ou de mollusques ou d’organes de ces poissons, crustacés ou mollusques et en classe 5 pour des produits pharmaceutiques.

Cependant, suite à un appel formé par la société COMPAGNIE GENERAL DE DIETETIQUE, la Cour d’appel de Paris a partiellement infirmé la décision du Tribunal de Grande Instance en ce qu’il avait entièrement annulé les marques visées, alors que celles-ci devaient être limitées (CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 décembre 2017, n°16/03473).

En effet, la Cour d’appel rappelle que, lorsqu’une marque déposée est annulée pour défaut de distinctivité sur le fondement que celle-ci est descriptive, cette annulation doit se limiter aux produits et services pour lesquels la marque est réellement descriptive.

La Cour a relevé que la terme garum correspond « à une qualité essentielle des produits suivants, pour lesquels il apparaît descriptif […] : produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ; viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles […] conserve de poissons, pickles, en ce qu’il décrit le produit ou une de ses caractéristiques, notamment son mode de fabrication. » mais qu’il n’apparaîtrait pas descriptifs pour les produits suivants : « préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; ‘œufs, lait et autres produits laitiers ».

C’est en ce sens que la Cour d’appel a alors partiellement infirmé la décision du Tribunal et n’a seulement retenu la nullité des marques GARUM que pour certains produits, mais a maintenu sa validité pour les « préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; œufs, lait et autres produits laitiers. »

Elle a cependant maintenu l’annulation totale des marques GARUM ARMORICUM, en retenant que « le signe garum armoricum désigne la qualité essentielle et la provenance ou un mode de fabrication des services désignés en classes 5 et 29 par les marques française et communautaire, ce qui est de nature à tromper le public ».

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Outre les demandes en contrefaçon de marque, la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE avait également assigné la société CLAVIS en concurrence déloyale et parasitaire, pour avoir notamment reproduit sur son site un article sur les effets du produit Stabilium 200, le produit commercialisé par la société demanderesse, ce qui constituerait un détournement d’investissements, ainsi que pour avoir remplacé le terme garum armoricum par garum exquisitus alors qu’elle utilisait une autre espèce de poisson.

Le Tribunal de Grande Instance avait, le 6 mars 2014, condamné à verser 30 000€ à la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE à titre de dommages et intérêts, en retenant que, même si le simple fait de reprendre la composition essentielle du produit vendu ne peut être qualifiée d’attitude fautive constitutive de concurrence déloyale, en revanche, « le fait d’utiliser des études initiées et financées par un concurrent sur son site internet afin de promouvoir son produit peut être qualifié d’acte parasitaire. »

Cependant, la Cour d’appel de Paris, dans sa décision du 12 décembre 2017, a également infirmé la décision du Tribunal sur ce point, en considérant que la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE n’avait pas suffisamment démontré avoir financé les travaux du docteur D, auteur de l’article reproduit sur le site de la société CLAVIS, et que, par ailleurs, bien qu’une partie de la présentation de son produit Stabilium 200 ait également été reproduit, cela ne concernait que « trois phrases », et que ces dernières n’étaient que consacrées à la « composition essentielle de produits présentant les mêmes caractéristiques et dosage [qui] ne saurait révéler un parasitisme, alors que le garum est un produit très anciennement connu » (CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 décembre 2017, n°16/03473).

Ainsi, la Cour d’appel a débouté la société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.

Cependant, étant donné que les marques françaises et européennes GARUM et GARUM ARMORICUM sont indiquées comme étant toujours en vigueur sur les bases de l’INPI et de l’EUIPO, il est probable qu’un pourvoi en cassation ait été formé à l’encontre de la décision de la Cour d’appel de Paris.

Par conséquent, pour conclure cette affaire, il convient d’attendre la décision de la Cour de cassation.

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