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CASTELBAJAC – déchéance de marque pour tromperie du consommateur

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 8 novembre 2022

CASTELBAJAC – Quand l’acquisition d’une marque patronymique se transforme en déchéance de marque pour tromperie du consommateur

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, 12 octobre 2022, n°156/2022 

L

e 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance des marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC notamment pour des vêtements pour femmes et produits cosmétiques.

Cette récente décision est particulièrement sévère à l’encontre du titulaire des marques, la société PMJC qui les avait acquises dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société JEAN CHARLES DE CASTELBAJAC en 2012.

La société PMJC ne s’était pas contentée d’acquérir les marques, elle avait également signé un contrat de prestation de services avec le créateur par lequel elle lui confiait la direction artistique des marques.

Lorsque le contrat de prestation de services a pris fin, un important conflit s’est révélé entre les parties et plusieurs procédures ont été initiées de part et d’autre.

La dernière étape en date de ces procédures est la décision rendue en octobre 2022 par la Cour d’Appel de Paris.

Après avoir rappelé dans un arrêt de principe rendu par la CJUE le 30 mars 2006 (affaire Elisabeth Emmanuel), qui a posé le principe selon lequel « Le titulaire d’une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant de produits portant cette marque ne peut, en raison de cette seule particularité, être déchu de ses droits au motif que ladite marque induirait le public en erreur, au sens de l’article 12, paragraphe 2, sous b) de la directive 89/104 », la Cour d’Appel a considéré que cela n’empêchait pas que soit prononcée une déchéance de marque dans l’hypothèse où son titulaire en ferait un usage trompeur.

Pour considérer que l’usage trompeur est établi et en conclure à la déchéance partielle des marques, la Cour d’Appel analyse de nombreux éléments :

  • Elle fait référence à des faits qui n’étaient pas directement imputables à PMJC mais PMJC a été considérée comme n’ayant pas suffisamment agi, dans le contexte conflictuel, pour mettre fin aux agissements litigieux, et ainsi éviter la confusion. Selon les juges, la société PMJC s’est ainsi rattachée à M. de Castelbajac et a associé les marques à sa personne et son travail depuis cinquante ans.
  • La Cour fait également référence à une campagne promotionnelle de communication réalisée par PMJC « CASTELBAJAC Paris fête en 2018 ses 50 ans et vous donne 50 rendez-vous pour 50 surprises tout au long de l’année », qui avait pourtant était abandonnée par PMJC et suivie d’un erratum sur leur site internet.
  • La Cour d’Appel fait enfin état de plusieurs décisions condamnant PMJC sur le fondement de la contrefaçon des droits d’auteur de Monsieur de Castelbajac.

La Cour retient que « …. l’usage trompeur que la société PMJC a fait, à plusieurs reprises, au moins au cours de l’année 2018, des marques “JC DE CASTELBAJAC” n° 616 et “JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC” n° 795, en associant ces marques, ou les signes similaires CASTELBAJAC et CASTELBAJAC PARIS qui en constituent des formes légèrement modifiées, à des agissements visant à faire croire au consommateur que certains produits qu’il acquiert, revêtus de ces marques ou signes, ont été conçus par ou sous la direction artistique de M. de CASTELBAJAC alors que cette conception ne s’inscrit plus dans le cadre de la collaboration qui a uni, de juillet 2011 à la fin de l’année 2015, la société et le créateur ».

La Cour en tire pour conclusion que les marques ont été associées « à des opérations commerciales à l’occasion desquelles sont attribuées au créateur des dessins ou illustrations qui ne sont en réalité pas de sa main ».

C’est ainsi qu’elle retient l’usage trompeur des marques et donc leur déchéance partielle, pour les produits et services en lien avec les usages qu’elle estime trompeur.

La Cour fonde sa décision sur le fait que la marque doit être un instrument loyal d’information du consommateur et que les agissements trompeurs qu’elle a relevés étaient en contradiction avec cet impératif de loyauté.

Ce n’est pas la première fois que la jurisprudence a eu à s’interroger sur le caractère trompeur et déceptif de l’usage d’une marque.

Ainsi, dans un arrêt du 31 janvier 2006, la Cour de cassation a considéré que le titulaire d’un nom patronymique ne peut pas demander la déchéance de la marque patronymique dès lors qu’il l’a lui-même cédée. Dans cette affaire, Inès de la Fressange licenciée par la société à qui elle avait cédé sa marque patronymique, s’était vue déboutée de sa demande en déchéance des marques qu’elle avait elle-même cédées. La créatrice arguait que l’usage de la marque INÈS DE LA FRESSANGE était trompeur et déceptif, puisqu’elle n’était plus à l’origine de la création des produits vendus sous son nom. La Cour de cassation lui a opposé la garantie d’éviction liée à la cession des marques sans même rechercher le caractère trompeur ou non des marques litigieuses.

Dans l’affaire CASTELBAJAC, la garantie d’éviction était également invoquée mais elle a été considérée comme ne pouvant pas être opposée pour rendre irrecevable une demande formée sur le comportement fautif du cessionnaire des droits patrimoniaux. Par ailleurs, la Cour d’Appel a précisé qu’il n’était pas établi que Monsieur de Castelbajac avait consenti à ce que l’usage de son nom patronymique soit cédé en même temps que les marques litigieuses.

La société PMJC formulait des demandes sur le fondement de la contrefaçon à l’encontre de M. de Castelbajac et de la société Castelbajac Creative, du fait d’un usage commercial du nom patronymique du créateur notamment en tant que dénomination sociale et nom de domaine.

  • Sur la dénomination sociale « Castelbajac Creative » la Cour considère que le créateur « a conservé l’entier usage à titre de dénomination sociale » et que sa dénomination était « suffisamment distincte de la marque antérieure JC de Castelbajac ».
  • Sur le nom de domaine jeancharlesdecastelbajac.com, le Cour considère qu’il reprend le nom et prénoms de Monsieur de Castelbajac et donc que ce dernier pouvait librement exploiter un tel nom de domaine pour présenter ses réalisations de créateur et ses prestations de service de consultant et directeur artistique dans le domaine de la mode et du design.

La Cour refuse enfin de considérer que M. de Castelbajac a commis des actes de concurrence déloyale par dénigrement à l’égard de la société PMJC. Concernant les messages diffusés sur Instagram comportant les hashtags « fake » et « attention aux imitations », le créateur a notamment été considéré comme légitime à défendre ses œuvres contre PMJC qui avait été condamnée à plusieurs reprises sur le fondement de la contrefaçon de ses droits d’auteur en raison de la reproduction de ses dessins.

Cette affaire, dont la décision de la Cour d’Appel ne marque peut-être pas un point final, illustre l’importance pour une marque utilisant le nom patronymique de son créateur de faire preuve de la plus grande vigilance.

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