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Dans quelle mesure les marques de renommée sont susceptibles de bénéficier d’une protection étendue…
Vanessa Bouchara
Dans quelle mesure les marques de renommée sont susceptibles de bénéficier d’une protection étendue de leurs signes distinctifs ?
Les marques de renommée occupent une position de plus en plus marquée, puisque ce sont elles qui disposent des parts de marché les plus importantes et réalisent les meilleures progressions. Les consommateurs font confiance à ces marques et c’est la raison pour laquelle elles bénéficient, sous certaines conditions, d’une protection renforcée.
En effet, les marques de renommée sont susceptibles de bénéficier d’un certain nombre d’outils qui leur permettent de s’opposer de manière efficace à des marques antérieures.
Une marque particulièrement connue sera en mesure d’avoir un rayonnement plus large que le domaine d’activité qui est le sien, à la condition notamment que l’usage de la marque seconde soit susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque première, ou de lui porter préjudice, et ce sans juste motif.
Par ailleurs, la forte renommée d’une marque sur le marché peut également avoir une influence dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion avec une marque antérieure.
Les marques bénéficiant d’une protection étendue
Les marques de renommée sont protégées au-delà de leur domaine de spécialité.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, (transposant la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 visant à harmoniser et moderniser le droit des marques entre les Etats Membres de l’Union européenne), la marque de renommée bénéficie désormais d’un régime distinct de celui des marques notoirement connues (marques connues d’un large public mais qui n’ont pas fait l’objet de dépôt).
En effet, selon les dispositions de l’article L. 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. »
Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2019, il est désormais possible, pour le titulaire d’une marque de renommée d’agir sur le fondement de la contrefaçon dès lors qu’il constate un usage qui porterait atteinte à ses droits et non plus sur le fondement de la responsabilité civile, comme cela était le cas avant.
Selon l’article L.711-3 2° du Code de la propriété intellectuelle, également instauré par l’ordonnance de 2019, le titulaire d’une marque antérieure jouissant d’une renommée peut former opposition à l’enregistrement d’une marque nouvelle qui porterait atteinte à ses droits.
La protection de la marque de renommée est soumise à trois conditions cumulatives (CJUE, anciennement CJCE, 16 avril 2008, Citigroup et Citibank/OHMI – Citi, T-181/05, point 61):
- la marque première doit bénéficier d’une renommée ;
- la marque seconde doit être identique ou ressemblante à la marque de renommée ;
- l’usage de la marque seconde est susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque première ou de lui porter préjudice, et ce sans juste motif.
Pour apprécier la renommée d’une marque, le juge doit notamment prendre en considération :
- la part de marché détenue par la marque ;
- l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ;
- l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour promouvoir la marque ;
- ainsi que tout élément en mesure de justifier de la renommée de la marque.
Dans les décisions suivantes, une protection étendue a été accordée aux marques de renommée, au-delà de leur domaine d’activité :
- ELLE (magazine) / ELLA VALLEY VINEYARDS pour des produits de vins (TUE, 9 mars 2012, T-32/10);
- MUST (Cartier) / PEDIMUST des chaussures destinées aux professionnels de santé (CA Paris, 4ème Chambre, Section B, 15 juin 2007, sur renvoi d’un arrêt de Cour de Cassation du 12 juillet 2005);
- MUST (Cartier) / MUST déposée pour commercialiser des chewing-gums (CA Paris, 4ème Chambre, Section A, 29 septembre 2004, n°03/18019);
- CHAMPAGNE / YVES SAINT LAURENT PARFUMS pour désigner des parfums (CA Paris, 1ère chambre, 15 décembre 1993, n°93/25039);
- CHÂTEAU d’YQUEM / LA LETTRE DE BERNARD YQUEM pour des services de publicité, affaires, gestion (TGI Paris, 3 avr. 1991 – P.I.B.D. 1991, n° 507, III-549);
- CHANEL / JEAN-PAUL CHANEL pour des boissons alcoolisées (Cass. 23 janv. 1990 – P.I.B.D. 1990, n° 482, III-454);
- MONT BLANC (crèmes desserts) / MONT BLANC pour des boissons alcooliques (CA Rennes, 3ème Chambre commerciale, 6 octobre 2020, n°16/05278).
Enfin, il convient également de souligner que, comme l’usage est l’un des trois critères de l’appréciation de l’atteinte, il ne peut pas s’apprécier dans le cadre d’une opposition formée à l’encontre d’un dépôt de marque (CA Paris, 4ème Chambre, Section A, 8 juin 2005, affaire HUGO BOSS).
Outre son utilité comme outil de défense d’une marque de renommée contre les agissements de tiers, la renommée peut également être invoquée afin de se défendre dans le cadre d’une action en contrefaçon pour écarter le risque de confusion.
Lorsque la renommée permet en partie d’échapper à la contrefaçon
Dans une affaire ayant opposé la marque POCKET à MADAME FIGARO POCKET (TGI Paris, 3ème Chambre, 4ème Section, 28 mars 2013), il a notamment été relevé que la société du FIGARO fait usage de la marque « madame FIGARO POCKET » en adossant le terme POCKET a une marque bénéficiant d’une forte identité, puisque le sondage TNS SOFRES montre que 72% des gens interrogés connaissent la marque « Madame FIGARO », de sorte que le consommateur ne fera pas le lien entre le produit vendu sous la « madame FIGARO POCKET » avec les marques « POCKET », l’élément dominant de la marque querellée étant la référence à la marque « madame FIGARO ».
Si certains produits et services des marques « madame FIGARO POCKET » et « POCKET » sont identiques ou similaires, et peuvent être distribués dans les mêmes lieux de commercialisation, la faible distinctive du mot « POCKET » pour designer des ouvrages de petit format, l ‘utilisation de ce terme par la société du FIGARO dans son sens courant dans sa marque « madame FIGARO POCKET » et la référence explicite à la marque « madame FIGARO » exclut tout risque de confusion, dans l’esprit du public, entre la marque déposée par la société du FIGARO et l’exploitation qui en est faite, et les marques semi-figuratives « POCKET ».
Même si l’appréciation du faible degré de distinctivité de la marque antérieure était prédominante dans les motifs de la décision du Tribunal, la renommée de MADAME FIGARO a également été en mesure d’avoir une influence sur la décision qui a été rendue.
En conclusion, les professionnels doivent s’adapter au droit du luxe et utiliser les dispositions légales à leur disposition pour permettre à ces marques de disposer de la protection la plus étendue.
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