Actus & medias > Actualités >

La Cour de Cassation pose le principe d’une…

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 4 mai 2021

La Cour de Cassation pose le principe d’une double indemnisation sur le fondement du droit d’auteur et des dessins et modèles

Le principe de l’unité de l’art, consacré en droit français par les articles L.111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, permet d’accorder une protection à l’ensemble des œuvres de l’esprit du seul fait de leur création, « quels qu’en soient le genre, la forme d’expression » (Article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle), et sans qu’aucune formalité ne soit effectuée.

En effet, un dessin ou modèle peut être protégé à la fois par le droit d’auteur, sur le fondement des articles L.111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et par le droit des dessins et modèles sur le fondement des articles L.511-1 et suivants du même Code.

Ainsi, un dessin ou modèle peut donc bénéficier, en France, d’une double protection assurée à la fois par le droit d’auteur et par le droit des dessins et modèles.

Toutefois, le titulaire d’un dessin ou modèle bénéficiant d’une double protection en droit d’auteur et en droit des dessins et modèles, ne pourra pas systématiquement obtenir une double indemnisation sur ces deux fondements, dans le cadre d’une action en contrefaçon.

La loi n°2014-315 du 11 mars 2014, renforçant la lutte contre la contrefaçon, a précisé les critères pris en compte par le juge pour fixer les dommages et intérêts dans le cadre d’une action en contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles.

Ainsi, selon les articles L.331-1-3 et L.521-7 du Code de la propriété intellectuelle, sont pris en compte distinctement dans la fixation des dommages et intérêts :

  • Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
  • Le préjudice moral causé à cette dernière ;
  • Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ou par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retiré de l’atteinte aux droits ou de la contrefaçon.

Le dernier alinéa des articles L.331-1-3 et L.521-7 du Code la propriété intellectuelle prévoit qu’en cas d’attribution d’une somme forfaitaire au titre des dommages et intérêts par le juge, la somme allouée doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur ou l’auteur de l’atteinte aux droits, avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit.

Bien que prévu dans deux articles distincts, l’octroi d’une double indemnisation n’est que rarement retenu par les juges.

En effet, la jurisprudence est assez fluctuante sur le sujet.

Selon les cas d’espèce, les Tribunaux vont procéder à une appréciation globale du préjudice en octroyant qu’une seule indemnisation en cas d’atteinte commise aux droits de l’auteur de l’œuvre ou à l’inverse, en octroyant une double indemnisation distincte pour chaque œuvre et pour chaque droit revendiqué.

Par un arrêt du 16 septembre 2014, la Cour de cassation a validé pour la première fois le principe d’une double indemnisation sur le fondement du droit d’auteur et du droit des dessins et modèles (Cass., Com., 16 septembre 2014, 13-20.589).

En l’espèce, la société SAM, exerçant sous l’enseigne GIORGIO, avait créé trois manteaux référencés « Shana », « Fellini » et « Eugénie ».

Elle a assigné la société GIOVANNI sur le fondement du droit d’auteur et au titre des dessins et modèles, la société SAM ayant déposé le 11 mars 2009, deux de ces modèles auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle.

La Cour d’appel de Paris par arrêt du 26 avril 2013 a prononcé des condamnations distinctes sur le fondement du droit d’auteur et des dessins et modèles (CA Paris, 26 avril 2013, 2011/18809).

La Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel et a estimé que c’est à bon droit que la Cour a procédé à une évaluation distincte de chacun des préjudices causés par des actes de contrefaçon à la société SAM exerçant sous l’enseigne GIORGIO.

Dans une décision rendue le 30 mars 2017, les juges ont précisé que « si les modalités de calcul de l’indemnisation sont identiques en droit d’auteur et en droit des dessins et modèles, son assiette et son quantum varient concrètement en considération du droit non respecté. » (TGI Paris, 3e ch., sect. 1, 30 mars 2017, no 2015/05884).

En appel de cette décision, la société Chanel a obtenu une indemnisation distincte et propre à chaque œuvre, au titre de la contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 1, 29 janvier 2019, n°17/11182).

Dans cette logique, de chaque acte de contrefaçon résulte une atteinte propre à chaque titre revendiqué et génère ainsi un préjudice spécifique pour chaque dessin et modèle et pour chaque œuvre originale qui seraient contrefaites.

Cependant, les juges ne vont pas systématiquement retenir ce raisonnement lorsqu’une partie sollicite l’octroie d’une indemnisation distincte de ses préjudices sur le fondement du droit d’auteur et sur le fondement des dessins et modèles.

A titre d’exemple, dans une décision rendue le 29 septembre 2016, la société BA&SH avait sollicité une indemnisation distincte de ses préjudices sur le fondement du droit d’auteur et sur le fondement des dessins et modèles communautaires (TGI, Paris, 3ème chambre, 1ère section, 29 septembre 2016, n°14/18124).

Cependant, les juges ont estimé que selon le principe de la réparation intégrale du préjudice, un seul et même préjudice ne peut pas entrainer une double indemnisation. Les juges ont alors précisé que « le cumul de protection auquel peut prétendre le manteau Ikie n’est pas de nature à ouvrir droit à une double indemnisation dès lors que le préjudice commercial comme l’atteinte à l’image subie en raison de la commercialisation du manteau référencé W8611 par les sociétés défenderesses est unique, quel que soit le fondement envisagé. » (TGI, Paris, 3ème chambre, 1ère section, 29 septembre 2016, n°14/18124).

Les décisions du 16 septembre 2014 (Cass., Com., 16 septembre 2014, 13-20.589) et du 29 janvier 2019 (CA Paris, Pôle 5 – chambre 1, 29 janvier 2019, n°17/11182) citées ne font que renforcer l’arsenal juridique français mis en œuvre pour protéger le droit des artistes sur leurs créations, le contrefacteur peut être condamné au paiement d’indemnités distinctes tant sur le fondement du droit d’auteur que sur le fondement des dessins et modèles pour une seule et même atteinte à ses droits. Toutefois, il ne s’agit pas d’une jurisprudence constante en la matière puisque la double indemnisation n’est pas automatiquement octroyée par les juges.

Actus récentes

La disponibilité du signe

Mise à jour le 07/01/2021

Pour être déposé à titre de marque, le signe choisi doit, en plus d’être licite et distinctif, être disponible(…)

Dans quelles circonstances un concurrent peut-il utiliser de manière licite la marque d’un tiers sur Internet ?

Mise à jour le 16/12/2021

La marque possède le pouvoir de fédérer une clientèle. De manière impulsive, instinctive, irréfléchie. Parfois, aveugle(…)

L’usage de photographies de tiers sans autorisation

Mise à jour le 24/12/2021

Les photographies sont considérées, selon l’article L.112-2 9° du Code de la propriété intellectuelle comme étant des œuvres de l’esprit.(…)

L’utilisation du produit d’un tiers dans une publicité : l’appréciation du caractère accessoire par les Tribunaux.

Mise à jour le 23/12/2021

Il arrive fréquemment que les annonceurs utilisent dans leurs publicités des produits de sociétés tierces qui sont des créations protégées au titre des droits d’auteurs(…)