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Vanessa Bouchara
La marque ARGANE de PIERRE FABRE annulée pour défaut de caractère distinctif
Par Jugement du 6 mars 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a prononcé la nullité des marques GARUM et GARUM ARMORICUM pour défaut de caractère distinctif.
Dans un arrêt du 30 janvier 2013, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la validité du dépôt de la marque française « ARGANE » de la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques et a annulé cette dernière pour défaut de distinctivité.
Cette affaire a débuté lorsque la société Pierre Fabre, titulaire de la marque française verbale « ARGANE » déposée le 22 avril 1983 et enregistrée sous le numéro 1 234 523, a assigné en contrefaçon la société CLAIRJOIE pour avoir commercialisé des produits de cosmétiques sous la désignation « KARITE-ARGANE ».
En effet, depuis 1985, la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques commercialisait sous la marque « Argane » plusieurs gammes de produits de cosmétiques composés d’une « essence rare issue de l’arganier » (TGI de Paris, 17 février 2010, n°09/12639), un arbre fruitier endémique de la région du sud du Maroc et de l’Algérie. La société Pierre Fabre était le premier laboratoire à lancer de tels produits, et était depuis cette date le « leader sur le marché français des produits cosmétiques à base d’huile d’argan » (TGI de Paris, 17 février 2010, n°09/12639).
Ainsi, la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques reprochait à la société CLAIRJOIE de porter atteinte à ses droits de marque sur la dénomination ARGANE en créant un risque de confusion avec ses propres produits commercialisés sous la marque « ARGANE ».
Cependant, la société CLAIRJOIE a opposé à la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques la nullité de sa marque « ARGANE » pour défaut de caractère distinctif notamment en raison du sens du terme « argane », dont est composé la marque, qui désigne précisément le fruit de l’arganier dont est extraite une huile régulièrement utilisée dans les produits de cosmétiques pour ses vertus, y compris les produits de Pierre Fabre.
En effet, sous l’article 3 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service, loi applicable à la marque « ARGANE » : « ne peuvent être considérées comme des marques […] Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public [et] Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit. » (Règle aujourd’hui consacrée à l’article L.711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle)
C’est en ce sens que de nombreuses marques ont été annulées pour défaut de distinctivité au fil des années, telles que la marque « Beurre Tendre » d’Elle & Vire pour du beurre (Cour d’appel de Paris, 4e chambre, 9 février 2000, n°1999/07110), « Les soupes de la forme » de Knorr pour des soupes destinées à maintenir une bonne santé et une forme physique (Cour d’appel de Paris, 9 juin 1993, PIBD 1993, 553, III-624), « Lentilles » de Central Optics pour des produits optiques (Cass. Com., 16 mai 2018, n°16-15.115), ou encore « Texto » pour des services de SMS (Cour d’appel de Paris, 23 septembre 2009, n°08/02.816), et bien d’autres, dès lors qu’elles décrivaient ne serait-ce qu’une seule des caractéristiques des produits pour lesquels elles avaient été déposées.
C’est ainsi sans grande surprise que la Cour d’Appel de Paris a pu considérer :
- D’une part, dès lors que le terme « ARGANE » constituait déjà à la date du dépôt attaqué la désignation nécessaire et générique d’une substance végétale employée pour l’hygiène et les soins de la peau, que le terme « ARGANE » devait demeurer à la libre disposition des acteurs de l’activité économique concernée désireux de l’introduire dans la composition de leurs produits ; et
- D’autre part, toujours à la date du dépôt, que le terme ARGANE, susceptible d’être perçu comme indiquant la qualité essentielle ou la composition des produits pour l’hygiène et le soin de la peau, à l’exception du cuir chevelu, qu’il était destiné à designer, il était dès lors inapte à remplir la fonction essentielle de la marque pour de tels produits, à savoir de permettre au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement avisé, de distinguer sans confusion possible les produits couverts par la marque de ceux provenant d’une autre entreprise.
La Cour d’Appel a en conséquence confirmé le jugement de première instance (TGI de Paris, 17 février 2010, n°09/12639) ayant déclaré « nul, pour l’ensemble des produits couverts en classe 3 et 5, l’enregistrement n° 1 234 523 de la marque verbale française « ARGANE » déposée le 2 avril 1983 »(Cour d’appel de Paris, 30 janvier 2013, 11/01355) pour défaut de caractère distinctif pour désigner des produits de cosmétiques fabriqués à base d’Argan.
Par la suite, la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques a formé un pourvoi en cassation. Cependant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi dans une décision du 6 mai 2014 (Cass. Com., 6 mai 2014, n°13-16.470), en retenant notamment que la marque en cause, ARGANE, était « exclusivement composée du terme « argane », mot, d’origine arabe, orthographié également « argan », qui est répertorié depuis le 19e siècle dans des dictionnaires de langue française destinés au grand public et dans différents ouvrages rédigés en français, pour désigner un arbre ou un arbrisseau ainsi que son fruit dont est extraite une huile, dénommée « huile d’argane » ou « huile d’argan », utilisée, dès cette époque, pour la fabrication du savon ; ».
La Cour de cassation a ainsi considéré, à l’instar de la Cour d’appel, que ce terme constituait la désignation nécessaire et générique d’une substance végétale régulièrement utilisée dans des produits de cosmétiques pour la peau, et devait demeurer à la libre disposition des acteurs de l’activité économique concernée désireux de l’introduire dans la composition de leurs produits. La décision de la Cour d’appel de Paris a été confirmé, et les marques ARGANE de la société Pierre Fabre restent annulées.
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