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La photographie et les campagnes publicitaires…

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 16 janvier 2021

La photographie et les campagnes publicitaires de l’industrie de la mode et des cosmétiques

Ou comment les photographes de campagnes publicitaires peuvent parfois être qualifiés de simples prestataires techniques…

Toute entreprise qui a recourt à un photographe pour réaliser une campagne publicitaire, notamment dans le secteur de la mode et des cosmétiques, prend soin de se faire céder les droits de manière suffisamment large et circonstanciée pour éviter de mauvaises surprises.

En effet, nombreuses sont les sociétés qui font appel à un photographe pour une campagne publicitaire et qui voient le photographe engager une action en contrefaçon à leur encontre en raison d’une cession de droits incomplète, mal libellée ou en raison d’une utilisation des photographies au-delà du cadre prévu dans l’acte de cession.

En vertu des dispositions des articles L. 131-3 et L. 131-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, la transmission des droits d’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, au lieu et sa durée.

Ainsi, toute utilisation ou exploitation d’une œuvre qui ne serait pas prévue dans l’acte de cession constitue un acte de contrefaçon.

Cependant, encore faut-il que les photographies puissent bénéficier d’une protection au titre des droits d’auteur en vertu des articles L.111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour cela, les photographies doivent être originales et porter l’empreinte de la personnalité du photographe (voir en ce sens « L’usage de photographies de tiers sans autorisation »). De ce fait, lors de la réalisation des photographies, le photographe ne doit donc pas avoir été un simple prestataire technique pour pouvoir revendiquer des droits et reprocher l’usage non autorisé desdites photographies à son mandant.

Tout particulièrement dans le cadre de la réalisation de campagne publicitaire, la liberté artistique et les choix créatifs des photographes, lorsqu’ils travaillent aux côtés de Directeurs Artistiques de l’entreprise, peuvent s’avérer très limités et la qualité d’auteur peut légitimement leur être refusée.

En effet, il est de jurisprudence constante de considérer que « quelque soit la valeur artistique de chaque photographie », le photographe dispose de la qualité d’auteur sur les photographies qu’il a réalisées pour une campagne publicitaire, dès lors que l’entreprise ou l’agence pour qui il les a réalisés n’apporte pas la preuve que le photographe était « un simple exécutant technique » (CA Grenoble, Chambre civile 1, 1er juin 1992 n°90/1306).

C’est ce qu’ont considéré successivement le Tribunal de Grande Instance de Paris, puis la Cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu le 8 mars 2013 (CA Paris, Pôle 5, chambre 2, 8 mars 2013, n° RG 12/09360).

Dans cette affaire, un photographe professionnel avait réalisé une vingtaine de visuels destinés à être utilisés dans le cadre d’une campagne publicitaire par la société DECS qui commercialise de la lingerie sous la marque et l’enseigne Soleil Sucré. Le photographe reprochait à l’enseigne Soleil Sucré d’avoir porté atteinte à ses droits d’auteur en apposant sur les vitrines des magasins de la marque deux photographies réalisées par ce photographe, en grand format, sans son autorisation.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris et la Cour d’appel de Paris ont débouté le photographe de ses demandes de contrefaçon au motif qu’il n’était qu’un simple « exécutant » et qu’il ne pouvait dès lors revendiquer aucun droit d’auteur sur les photographies litigieuses.

Pour la Cour d’appel, c’est en raison de l’ensemble des éléments suivants, que la revendication de droit d’auteur par le photographe a été réfutée :

–   « Aucun contrat préalable à l’intervention du photographe n’a été conclu » ;

–   « Les photographies ont été prises dans le cadre d’une campagne publicitaire qui a pour but la mise en valeur des produits à commercialiser et non la recherche artistique »;

–   « Le directrice artistique et styliste est la seule décisionnaire des éléments déterminant l’identité visuelle de la marque qu’elle a créée » ;

–   « (…) Les photographes sont soumis lors des shootings, dont le thème, les produits portés, les mises en scène sont choisis » par la directrice artistique, « à des instructions extrêmement précises quant à la pose des mannequins, les angles de prise de vue, la lumière et les cadrages. »

En conséquence, la Cour a constaté que le photographe s’était contenté, lors du shooting, d’exécuter les directives données par la directrice artistique et que le rôle décisionnaire de la directrice artistique dans la réalisation des photographies marquait seul l’empreinte de sa propre personnalité et non celle du photographe. Dès lors, le photographe ne pouvait pas revendiquer des droits d’auteur sur les photographies litigieuses.

Dans une décision similaire rendue le 22 janvier 2021 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, chambre 2, 22 janvier 2021 – n° 19/10814), un photographe avait réalisé plusieurs photographies de « packshots » ou de « plans d’identification d’un produit » d’un rouge à lèvre et d’un mascara pour la marque de cosmétique Bourjois, dans le cadre d’une campagne publicitaire. Le photographe avait alors cédé les droits qu’il détenait sur ces photographies pour une durée d’un an. Toutefois, le photographe a constaté que ces photographies étaient toujours exploitées, au-delà de la durée limitée dans l’acte de cession, par la société Coty, qui a racheté entre temps la marque Bourjois. Le photographe a donc assigné la société Coty en contrefaçon de droits d’auteur.

La Cour d’appel a alors jugé que « M. G. ne démontre pas avoir fait des choix personnels et arbitraires du sujet, de la mise en scène de l’objet photographié, de la composition, du cadrage, de l’angle de prise de vue ou des modifications après la prise du cliché, traduisant une démarche propre et une recherche esthétique, révélant ses compétences et sa sensibilité personnelles. Il a suivi les directives précises de la société Bourjois pour reproduire au plus proche les précédents qui lui ont été soumis. »

Ainsi, c’est en raison des directives très précises et détaillées transmises au photographe que celui-ci ne peut pas bénéficier d’une protection au titre des droits d’auteur sur ses photographies.

L’ensemble des décisions citées sont intéressantes en ce qu’elles posent le cadre des droits d’auteur dont les photographes disposent ou non sur les photographies qu’ils prennent, tout particulièrement dans le cadre de campagnes publicitaires ayant essentiellement pour but la mise en valeur des produits à commercialiser, et non la recherche artistique.

Pour conclure, les entreprises ayant recours à des photographes pour réaliser des campagnes publicitaires doivent être particulièrement vigilantes.

Il faut tout d’abord prêter attention à la marge de manœuvre laissée au photographe dans la réalisation des photographies.  Si le photographe dispose d’une grande liberté artistique et créative, ce dernier se verra certainement attribuer la qualité d’auteur et pourra donc de ce fait revendiquer des droits d’auteur sur les œuvres en cas de litige.

Afin d’anticiper tout contentieux, les entreprises devront donc prévoir un acte de cession identifiant de manière précise les œuvres de l’auteur, la durée de la cession ainsi que le lieu.

Il n’en demeure pas moins que pour agir utilement en contrefaçon, l’auteur des photographies devra s’assurer que celles-ci répondent au critère d’originalité.

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