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Vanessa Bouchara
La protection des slogans publicitaires
Les slogans publicitaires sont des phrases courtes destinées à attirer et retenir l’attention du consommateur, fruits de trésor d’imagination et objets de toutes les attentions, ils ont un statut relativement indéterminé en droit.
Les slogans peuvent être protégés à triple titre, au titre du droit d’auteur (1), au titre du droit des marques (2) et enfin au titre de la concurrence déloyale et parasitaire (3) selon des exigences spécifiques à chaque protection.
Au titre du droit d’auteur
Pour bénéficier d’une protection en droit d’auteur, le slogan doit être original, c’est-à-dire qu’il porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui peut s’avérer difficile à établir, notamment si les termes employés sont des termes du langage courant ou banals.
Dans une décision rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, les juges ont estimé que l’originalité d’un slogan « ne peut découler que d’une certaine ingéniosité de sa formulation, par l’adjonction de termes inattendus, de nature à caractériser un effort créatif particulier reflétant la personnalité de son auteur. » (TGI, Paris, ch. 3, section 1, 17 octobre 2019 n°19/04392).
Par exemple, les slogans suivants ont été jugés originaux :
- « Un nom pour un « oui »», pour des robes de mariée, en raison du jeu de mot nom/non (CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 17 juin 2011, n°10/12092) ;
- « Et l’eau devient soin » et « Et l’eau se fait soin », pour des produits de douche et de bain, en raison de l’idée développée dans ces deux expressions, qui est la transformation de l’eau en soin, utilisée pour faire allusion aux soins corporels et que la partie adverse ne démontrait pas en quoi ces deux expressions étaient utilisées dans le langage courant (TGI Paris, ch. 3, section 2, 30 mai 2003) ;
A l’inverse, les juges n’ont pas considéré comme étant originaux les slogans suivants :
- « La réussite est en vous» en raison de la description d’une idée courante ne caractérisant pas un parti pris particulier, empreint de la personnalité de l’auteur de nature à témoigner d’un effort créatif (TGI, Paris, ch. 3, section 1, 17 octobre 2019 n°19/04392) ;
- « Quoi de plus naturel ?» pour des produits laitiers, car le slogan constitue la simple reprise d’une expression du langage courant ne revêtant aucun caractère original et ne portant pas l’empreinte de la personnalité de son auteur (CA Paris, ch. 4 section A, 18 mai 2005, GAZ PAL, 151-152, 31 mai-1er juin 2006, p. 27-30, note de Jean-Jacques Biolay ; PIBD 2005, 814, IIIM-511).
Si votre slogan est banal, il vous faudra opter pour une protection par le droit des marques.
Au titre du droit des marques
Le dépôt du slogan à titre de marque présente l’avantage de lui donner une antériorité à une date certaine et d’accorder un monopole pendant 10 ans renouvelable.
A titre d’exemple, les slogans publicitaires suivants ont été enregistrés en tant que marque :
- « L’Oréal parce que je le vaux bien »,
- « Buvez – éliminez »,
- « Petit mais costaud».
Toutefois, ce n’est pas parce que le slogan publicitaire est déposé en tant que marque qu’il dispose nécessairement d’une protection. En effet, les exigences sont nombreuses car il faut que le signe soit disponible bien entendu, mais aussi qu’il soit distinctif par rapport aux produits ou services désignés.
Par ailleurs, la marque encourra la nullité si le slogan n’est perçu que comme un simple message publicitaire, idéologique ou autre, ou comme une simple décoration ornementale, c’est-à-dire si elle ne remplit pas sa fonction qui est de garantir l’origine du produit ou service en question.
- Par exemple, les marques suivantes n’ont pas été reconnues comme étant distinctives : « I LOVE MY T’s » déposée par la société Zara pour désigner des vêtements, en raison d’une part, de l’utilisation massive des expressions ayant comme séquence d’attaque « I LOVE » utilisées à des fins publicitaires et d’autre part, le slogan constitue une formule laudative visant uniquement à faire la promotion des produits qu’elle désigne et non pas comme indiquant l’origine des produits (CA Paris, Pôle 5, chambre 1, 30 novembre 2011 n°09/25107) ;
- « Happy Life», pour designer des produits érotiques, car le public ciblé le perçoit uniquement comme un message promotionnel élogieux et non pas pour identifier les produits en cause (TUE, 25 sept. 2018, no T-457/17, Medisana AG c/ EUIPO) ;
- « Moins de migraine pour vivre mieux», demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne pour désigner des produits en lien avec la migraine. Elle n’a pas été jugée distinctive car elle serait perçue comme un message publicitaire et non comme une indication de l’origine des produits en cause (TUE 8 juillet 2020 n°T-696/19. Teva Pharmaceutical Industries Ltd c/ EUIPO).
A l’inverse, la distinctivité des marques suivantes a été admise par les juges :
- « Quoi de plus naturel ?», bien que dépourvu de protection au titre du droit d’auteur, ce slogan a été jugé distinctif des produits qu’il désigne, en l’occurrence des produits laitiers, dès lors que le slogan évoque le caractère sain des produits, présenté sous une forme interrogative, et qu’il ne décrit donc aucunement la qualité des produits désignés, mais invite le consommateur à s’interroger sur « leur pureté » (CA Paris, 4ème chambre section A, 18 mai 2005, GAZ PAL, 151-152, 31 mai-1er juin 2006, p. 27-30, note de Jean-Jacques Biolay ; PIBD 2005, 814, IIIM-511) ,
- « it’s like milk but made for humans» : demande d’enregistrement pour désigner des produits laitiers (Trib. UE, 20 janv. 2021, no T- 253/20, Oatly AB c/ EUIPO). La marque est distinctive dès lors que le slogan permet de déclencher « un processus cognitif » auprès du public concerné et permettant d’individualiser les produits visés dans la demande d’enregistrement.
Ainsi, un slogan publicitaire peut bénéficier d’une protection en droit des marques dès lors que sa fonction ne se réduit pas uniquement à faire la promotion des produits que la marque désigne mais permet bien d’identifier l’origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée.
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
Les slogans ont une valeur économique pouvant être protégée par le biais d’une action en concurrence déloyale (qui sanctionne les agissements contraires aux usages loyaux du commerce, notamment lorsqu’un risque de confusion est créé avec le produit d’un concurrent) et parasitaire (qui sanctionne le fait de se placer dans le sillage d’un opérateur économique, sans bourse déliée en profitant indument de sa notoriété ou de ses investissements).
Plusieurs jurisprudences sanctionnent l’imitation déloyale et parasitaire des slogans.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a considéré que l’utilisation de l’expression « DESSINE MOI » suivi de substantifs tels que « une chanson » ou encore « une cheminée », constituait un acte de parasitisme et qu’ainsi la société C&A France avait cherché à tirer indument profit de la notoriété attachée à l’œuvre littéraire le Petit Prince, dont l’expression « DESSINE MOI UN MOUTON » est notoire (Cour d’appel de Paris, 4e chambre section a, 2 avril 2003).
Dans une autre affaire opposant la société Cora et la société Auchan, la Cour de cassation a qualifié d’acte de parasitisme le fait, pour la société Auchan d’utiliser le slogan « prix mini sur gros volume » et « gros volumes à prix mini » qui est très proche du slogan utilisé depuis 25 ans par la société Cora « gros volumes = petits prix ». La Cour de cassation a estimé que le slogan de la société Cora est distinctif car très connu du grand public et que cette formule est « lapidaire et percutante ». La Cour ajoute que c’est également en raison des investissements et des efforts déployés par la société Cora par le biais de multiples opérations publicitaires que le parasitisme a été retenu (Cass., Com., 9 juin 2015 n°14-11.242).
A l’inverse, la Cour de cassation a jugé banal le slogan « Chaque jour, cinq fruits et légumes à moins de 1 euros chacun – Moins de 1 euro le kilo ou la pièce tout l’été » utilisé par l’enseigne Champion et n’a donc pas qualifié d’acte de parasitisme le fait pour la société Casino d’avoir repris un slogan similaire. Le slogan a été jugé banal en raison de l’utilisation du même concept par le ministère de la Santé d’une politique nutritionnelle et de son caractère descriptif et usuel. De plus, la société CSF ne démontrait pas avoir déployé des investissements dans le développement de sa campagne publicitaire (Cass., Com., 9 juillet 2013 n°12-23.389).
Il convient également d’établir l’originalité du slogan dans le cadre d’une action en concurrence déloyale et/ou parasitaire. En effet, la banalité d’un slogan tient en échec l’action en concurrence déloyale et parasitaire. C’est ainsi que la Cour d’appel a refusé de caractériser la concurrence déloyale et parasitaire dans un litige opposant la société DU PAREIL AU MEME à la société ORCHESTRA PREMAMAN. Pour la Cour d’Appel, le SLOGAN « C’est bien fait pour les enfants » n’est en rien imité par le slogan « Bien fait pour nous », les deux présentent des caractéristiques d’une grande banalité se rapportant à des produits de puériculture (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 mai 2019, n° 16/14291).
Ce raisonnement est également repris par le Tribunal de commerce qui a considéré que l’utilisation du slogan « Où et quand partir » ne constitue pas une imitation du slogan « Quand partir ». Pour le Tribunal de Commerce, ce qui est qualifié de slogan n’est en réalité qu’une formule extrêmement banale permettant d’exprimer l’interrogation tout à fait basique de toute personne envisageant un départ en vacances, et que dans ces conditions il ne saurait y avoir de faute constitutive d’actes de concurrence déloyale (T. com. Paris, 15e ch., 11 mars 2019).
Ainsi, un slogan qui serait banal et qui n’aurait pas fait l’objet de nombreux investissements ou qui ne serait pas suffisamment connu par les consommateurs, ne pourrait pas bénéficier d’une protection en cas d’une action en parasitisme et/ en concurrence déloyale.
Pour conclure, avant d’exploiter un slogan, il convient en tout état de cause de faire une recherche d’antériorité approfondie (similarité de marques, dénominations sociales, noms de domaines antérieurs), afin d’éviter de voir sa responsabilité engagée pour contrefaçon ou en concurrence déloyale.
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