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Vanessa Bouchara
Adopté depuis déjà plus de deux ans par le Parlement européen, le « Paquet marques » constitue une avancée majeure en matière de droit des marques aussi bien au niveau européen que national. Il introduit des modifications significatives du droit des marques et des procédures applicables à ces dernières (actions en déchéance et en nullité). Nous vous proposons d’en exposer les principales évolutions en droit des marques.
Le « Paquet marques » est composé par le Règlement n°2015/2424 et la Directive n°2015/2437.
Le Règlement, entré en vigueur le 23 mars 2016, venait modifier l’état du droit en matière de protection des marques au niveau de l’Union européenne.
La Directive, transposable en droit interne avant janvier 2019 (ou janvier 2023 concernant les procédures administratives de déchéance et de nullité que nous allons aborder), vient modifier le régime des marques nationales.
- Un renouveau des terminologies et des définitions
Vous l’aurez sûrement constaté, depuis le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009, parler de « droit communautaire » constitue un abus de langage puisque les Communautés européennes ne sont plus. Parler de « marque communautaire » était donc, par la même, un terme totalement dépassé.
Le « Paquet marques » a donc reformulé cette notion de « marque communautaire » en « marque de l’Union européenne ».
Ce renommage touche également l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI) qui est désormais renommé « Office de la Propriété Intellectuelle de l’Union Européenne » (EUIPO).
Autrement moins cosmétique, le « Paquet marques » donne une nouvelle définition de la notion de « marque » puisqu’est dorénavant supprimée l’exigence d’une représentation graphique.
Ainsi, le législateur européen donne la possibilité, afin de prendre en compte les futures évolutions scientifiques et technologiques, de permettre l’enregistrement de nouvelles catégories de marques (marques sonores, olfactives, gustatives, tactiles…).
Bien que de telles marques ne pouvaient pas faire l’objet d’un dépôt avant cette réforme, la jurisprudence a parfois – mais rarement – accepté l’enregistrement de marques par principe refusées. Ainsi, un arrêt de la Chambre de recours de l’OHMI du 21 février 1999 a accepté l’enregistrement d’une marque olfactive pour désigner des balles de tennis. Cette marque avait alors été décrite comme « l’odeur de l’herbe fraichement coupée ».
Toutefois, les marques devront toujours être représentées sur les registres « d’une manière claire, précise, distincte et facilement accessible, intelligible, durable et objective » afin qu’elles soient pleinement opposables aux tiers.
Ainsi, au regard des avancées technologiques actuelles, certaines catégories de marques comme les marques olfactives et gustatives ne sont toujours pas protégeables, étant donné qu’il est toujours impossible de conserver une odeur ou un goût dans une forme “durable et objective”.
- Un renforcement notable des conditions de validité
En imposant une nouvelle condition de validité de la marque, le « Paquet marques » est venu harmoniser la classification et la désignation des produits et services visés lors des dépôts de marques.
Désormais, et dans la lignée de l’arrêt « IP TRANSLATOR » rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 19 juin 2012, l’ensemble des offices de l’Union Européenne devront adopter la même méthode de classification et de désignation des produits et services qui seront analysés sous une approche littérale : la protection étant ainsi limitée aux seuls produits et services expressément listés.
Par ailleurs, outre les classiques appellations d’origine et indications géographiques, les dénominations végétales préalablement protégées au niveau national, les spécialités traditionnelles garanties et les mentions traditionnelles pour les vins font dorénavant partie des antériorités opposables à une marque postérieure.
Évolution remarquée, désormais, tous les signes qui dépendent de la nature des produits, qui leur confèrent une valeur substantielle ou encore qui leur sont techniquement nécessaires sont exclus de toute protection au titre du droit des marques.
- Un élargissement nuancé des pouvoirs du titulaire
Le titulaire d’une marque est désormais autorisé à s’opposer à l’apposition de son signe sur tout produit, étiquette, conditionnement, marquage ou autre. Il peut également interdire l’usage de son signe par un tiers dans une publicité comparative dès lors que cette dernière est contraire aux règles en matière de publicité trompeuse.
De plus, le titulaire peut désormais empêcher l’entrée au sein de marché commun de produits portant un ou plusieurs signes identiques aux siens et ceci même si les produits ne font que transiter sur le territoire de l’Union et ne sont donc pas destinés à être mis sur le commerce.
Toutefois, le « Paquet marques » considère que le titulaire de signes protégés au titre de marques ne peut pas en interdire son usage lorsqu’il est considéré comme « honnête en matière industrielle et commerciale », ce qui constitue ainsi une limite à ses pouvoirs.
Le législateur donne quelques exemples, sous forme de liste ouverte, de ce qui serait considéré comme tel.
Il faudra rester attentif aux évolutions jurisprudentielles en la matière puisque cela sera sûrement l’objet de décisions abondantes.
- Vers une refonte généralisée du système de taxes?
Le « Paquet marques » modifie les taxes d’enregistrement des marques, avec l’objectif de désengorger les registres en évitant les dépôts systématiques en 3 classes.
Ainsi, est mis en place un système de taxation progressive dès la seconde classe. Le dépôt d’une marque de l’Union Européenne en 3 classes est désormais plus coûteux qu’auparavant.
Il est probable que l’INPI fasse de même à brève échéance.
- Pouvoirs étendus des Offices de Marques
Les Offices de Marques des Etats membres de l’UE doivent dorénavant tous proposer une procédure d’opposition ouverte aux titulaires de marques antérieures. Cela est déjà le cas en France. Toutefois, la liste des antériorités opposables pourra être modifiée. Suite à l’entrée en vigueur du Paquet Marques, il se pourrait qu’une dénomination sociale puisse servir de fondement à une opposition.
Par ailleurs, la Directive prévoit la possibilité de former une opposition sur la base de plusieurs droits antérieurs, à la condition qu’ils appartiennent au même titulaire.
En ce qui concerne les actions en déchéance ou en nullité de marque, elles relèveront dorénavant de la compétence des offices des marques nationaux.
Ainsi, le droit des marques est profondément modifié par le Règlement n°2015/2424 et la Directive n°2015/2437, les entreprises devront nécessairement s’y adapter. Ainsi, nous ne pouvons que leur recommander d’avoir recours à des professionnels en la matière afin de sécuriser leurs dépôts et défendre leurs marques sur tous les fronts.
Voir LOI PACTE : PAQUET MARQUES pour approfondir le sujet, notamment sur les évolutions intervenues par la suite en droit français.
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