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Vanessa Bouchara
Michel Polnareff aimerait couper la musique. Il réclame 1 ,1 million d’euros à la société BNP Paribas Personal Finance ainsi qu’à l’agence de communication TBWA Paris, pour avoir porté atteinte à son image en utilisant son sosie dans plusieurs publicités diffusées depuis 2011 pour la marque Cetelem, ce qui lui causerait un préjudice patrimonial et moral. Outre le manque à gagner publicitaire, Michel Polnareff se plaignait du caractère ridicule du personnage joué par son sosie..
Le débat sur l’existence et l’exploitation d’un sosie en publicité n’est pas nouveau. Les textes français accordent une protection assez large aux personnalités dont les traits (image ou voix) sont utilisés à des fins publicitaires.
L’article 9 du Code civil consacre le droit à l’image et à la voix considérés comme des attributs de la personnalité. Sur le fondement de ce texte, une personne dont le sosie aura été utilisé dans des conditions préjudiciables à son image pourra ainsi demander réparation de son préjudice moral.
Il est également possible, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, d’obtenir réparation d’un préjudice matériel consécutif à l’exploitation sans contrepartie financière de son image et/ou de sa voix, sous réserve de démontrer qu’il existerait réellement un gain manqué.
Pour que la demande soit favorablement accueillie par les juges, il faut qu’il existe un risque de confusion avec la personne, i.e. que la personne soit identifiable par l’image et/ou le son.
Toute utilisation d’un sosie porterait, en principe, atteinte au droit à l’image et/ou à la voix de la personne, cette dernière étant bien fondée à demander réparation du préjudice subi sur le fondement de l’article 9, et/ou de l’article 1240 du Code civil.
Cependant, il existe de nombreuses exceptions pour lesquelles le recours à un sosie est a priori licite :
(i) s’il est justifié par le contexte historique ou d’actualité dans lequel est située l’œuvre;
(ii) s’il n’est pas de caractère diffamatoire ou;
(iii) s’il présente un caractère de parodie ou de caricature.
Dès lors qu’il y a un usage publicitaire du sosie, les exceptions classiques liées à l’actualité ou la parodie ne seraient plus justifiées.
C’est ainsi que les juges ont sanctionné l’utilisation d’un spot publicitaire télévisé reposant sur un texte lu par une personne dont « la diction, le débit, le ton et les inflexions de voix (…) évoquaient les particularités verbales du comédien Claude Piéplu » (TGI Paris, 3 décembre 1975).
De même, dans une affaire opposant Belmondo, Hallyday et Vartan à la société Eminence, les juges ont considéré que « ce genre d’imitation n’a rien d’un pastiche toléré par les usages, n’étant pas une fin en soi, mais un moyen utilisé à des fins publicitaires et commerciales pour attirer l’attention du public non pas sur l’artiste mais sur un produit, et ceci sans avoir obtenu l’accord spécial de l’intéressé » (TGI Paris, 3e chambre, 24 févr. 1976).
Gérard Depardieu avait également obtenu une réparation pour atteinte à son image du fait de l’utilisation de son sosie dans une publicité .
Dans cette affaire, deux films publicitaires destinés à promouvoir du chocolat ont été réalisés et dans lesquels figurait un acteur anglais qui ressemblait « à s’y méprendre » à Gérard Depardieu.
Le Tribunal de Grande Instance a alors jugé que : « même en admettant que la recherche d’un sosie n’ait pas été le but initialement poursuivi par cette défenderesse, il est clair que la ressemblance physique étonnante du comédien anglais avec la vedette française n’a pu lui échapper ;(…), que cette imitation révèle une volonté marquée d’accentuer la ressemblance de ce personnage avec cet artiste, qui a manifestement été pris ici comme modèle de référence. » (TGI Paris, 1ère chambre, 1ère section, 17 octobre 1984).
En 2007, Jean-Luc Delarue s’était plaint avec succès d’une vidéo mettant en scène un sosie de lui ivre dans un avion, se terminant par un message promotionnel « Si c’était vrai, ce serait dans Choc ». Le juge des référés avait alors estimé que « (…) si un fait d’actualité peut légitimement être repris dans des conditions non contraires à la dignité, il ne saurait cependant être détourné à des fins manifestement et exclusivement commerciales, quel que soit le ton humoristique du procédé, fût-ce en faisant appel à un sosie qui entretient en l’espèce la confusion (..) ».
Jean-Luc Delarue avait obtenu réparation sur le fondement de son droit « exclusif et absolu sur son image, attribut de sa personnalité l’autorisant à s’opposer à son utilisation » (TGI Nanterre, ord. Référé, 23 mars 2007).
Dans une autre affaire, l’acteur Jean Paul Rouve avait assigné la société Crédit Lyonnais en raison de la diffusion d’une campagne publicitaire dans laquelle figurait un sosie présentant les traits caractéristiques du personnage interprété par l’acteur dans le film Monsieur Batignole.
Le Tribunal de Grande Instance avait alors estimé qu’aucune atteinte à son droit à l’image n’était caractérisée dès lors que ce n’est pas la personne de Jean Paul Rouve « qui est reproduite dans le film publicitaire en cause » mais celui d’un personnage.
Les Juges ont également relevé « qu’aucune autre ressemblance que celle existant naturellement entre les deux comédiens ne permet de considérer que les auteurs de ce film auraient recherché une ressemblance avec le demandeur (…) » (Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre presse – civile, 27 février 2013, n° 10/16148).
Concernant l’affaire Polnareff, le 22 juin 2016, le Tribunal a condamné in solidum les sociétés BNP Paribas et TBWA Paris en réparation du préjudice moral résultant de l’exploitation indue de l’image du chanteur dans les films publicitaires.
Les Juges ont en effet estimé que « le public a pu légitimement être induit en erreur et penser que sa personnalité était utilisée avec son accord pour cette publicité en faveur de l’organisme de crédit Cetelem » (TGI Paris, 17ème chambre presse-civile, 22 juin 2016, n°15/05541).
Toutefois, ils n’auront pas fait droit à la somme astronomique demandée par Michel Polnareff puisque le préjudice moral a été fixé à 10 000 euros.
Les Juges ont en effet pris en compte la tardiveté de l’action engagée par Michel Polnareff en 2015 alors que les films étaient diffusés depuis 2011 et, qu’il ne peut être considéré que le ridicule du personnage du sosie, quand bien même celui-ci serait effectivement caractérisé, rejaillisse « (…) sur Michel Polnareff, dès lors que ce personnage se distingue du chanteur. »
Par ailleurs, les juges n’ont pas retenu l’atteinte à la dignité et ont donc débouté le demandeur de sa demande de réparation de son préjudice matériel.
Ainsi, seule l’atteinte au droit à l’image a été reconnue par les Tribunaux en admettant que le public pouvait être légitimement induit en erreur et penser que le sosie était exploité avec l’accord de la personnalité.
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