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Action en nullité
L’article L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle énonce que:
«l’enregistrement d’une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, en application de l’article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L.711-2, L.711-3, L.715-4 et L.715-9 [du Code de la Propriété Intellectuelle].»
En droit français, la marque peut être annulée, à la demande de tout tiers, pour des motifs absolus (exemples : marque dépourvue de caractère distinctif, marque contraire à l’ordre public, marque de nature à tromper le public, dépôt effectué de mauvaise foi, etc..) ou encore pour des motifs relatifs (droits antérieurs de tiers opposés à une marque postérieure tels qu’une marque enregistrée pour des classes de produit(s) et/ou service(s) identiques ou similaires, marque de renommée, existence d’une dénomination sociale antérieure, etc..).
Les motifs et modalités de la demande en nullité sont similaires à ceux de la marque de l’Union européenne.
La nullité de la marque prend effet à la date de son dépôt. Elle a donc un effet rétroactif et ne bénéficiera plus de protection dès l’origine, et éventuellement (selon la demande et la décision) pour l’ensemble des produit(s) et/ou service(s) pour lesquels elle a été déposée et enregistrée.
Depuis le 1er avril 2020, en France, le domaine de compétence de l’INPI s’est élargi puisque, selon des règles de compétences bien définies, et donc en fonction des situations, à la fois l’INPI et les Tribunaux Judiciaires peuvent désormais être compétents pour statuer sur des actions en nullité en matière de marques (domaine antérieurement réservé exclusivement aux Tribunaux).
En ce qui concerne l’INPI, cette compétence est exclusive pour les demandes en nullité de marques formées à titre principal (article L.716-5-I-1° du Code de la Propriété Intellectuelle).
Le recours contre ce type de décisions relève de la compétence de la Cour d’Appel.
Les Tribunaux Judiciaires restent compétents dans les cas suivants :
- La demande en nullité est formée à titre reconventionnel, donc formulée en défense dans une procédure initiée par un tiers – toutefois cette demande reconventionnelle, par nature nouvelle, devra avoir un lien de connexité avec l’affaire initiale ;
- La demande est connexe à d’autres demandes relevant de la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire (exemple : atteinte aux droits d’auteur) ;
- La demande en nullité est formée sur le fondement de motifs tirés de certains motifs spécifiques tels que la contrariété à l’ordre public (article 711-2-7° du Code de la Propriété Intellectuelle) ;
- La demande en nullité est consécutive à des mesures probatoires provisoires ou conservatoires (exemple : saisie-contrefaçon, référé-rétractation).
L’action en nullité n’encourt pas, par principe, la prescription. Toutefois, deux exceptions sont à relever :
- Le titulaire d’une marque antérieure qui a toléré l’utilisation de bonne foi d’une marque seconde pendant 5 années consécutives ne peut plus en demander la nullité, il s’agit de la forclusion par tolérance ;
- La demande en nullité fondée sur une marque notoire est prescrite dans un délai de 5 ans courant à compter de l’enregistrement de la demande contestée, sauf mauvaise foi du titulaire.
Par ailleurs, la demande administrative en déchéance de marque (pour défaut d’exploitation/ d’usage sérieux de la marque par son titulaire, ou pour dégénérescence de la marque) n’est pas soumise à la justification d’un intérêt à agir, ce qui a pu apparaître comme constitutif d’un risque de dérives et donc d’insécurité juridique, toute personne pouvant bousculer la vie de la marque sans avoir à justifier de son intérêt.
A la différence de l’annulation qui a un effet rétroactif, la déchéance d’une marque entraîne la perte du droit de marque à compter de la date de la demande en déchéance.
L’INPI a établi un premier bilan de ces actions sur 2021.
Ainsi, en France, 750 nouvelles demandes en nullité ont été engagées devant l’INPI depuis le 1er avril 2020 dont 465 en 2021. Les affaires concernant les demandes en nullité sont bien supérieures à celles en déchéance en 2021 (58%/42%).
Les fondements des demandes en nullité sont principalement des motifs relatifs (droits antérieurs) et dans les motifs absolus, la mauvaise foi est régulièrement soulevée.
En effet les dépôts frauduleux peuvent s’avérer courants et même constituer une technique pour certains contrefacteurs.
Dans un rapport, l’INPI indique que des nullités sont prononcées dans la majorité des décisions.
Les conditions et délais pour introduire une demande en nullité à l’encontre d’une marque sont susceptibles de varier d’un pays à l’autre, chaque pays disposant de sa propre législation en la matière.
Il est recommandé faire appel à un conseil (CPI) ou avocat spécialisé en la matière pour vous accompagner dans les négociations avec les tiers le cas échéant et la rédaction des mémoires en demande et en réponse à déposer dans le cadre des actions en nullité.
Point sur le risque de confusion
Lorsque les signes ne sont pas identiques mais seulement similaires, il faut alors démontrer l’existence d’un risque de confusion (article L.713-2-2° du code de la Propriété Intellectuelle).
Le risque de confusion existe lorsque le public peut croire que les produit(s) et/ou service(s) en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées.
S’agissant des signes, l’appréciation du risque de confusion repose d’une part sur le caractère distinctif ou non des marques en cause, et d’autre part sur l’analyse de trois pôles de ressemblances, à savoir :
- Les ressemblances visuelles ;
- Les ressemblances phonétiques ;
- Les ressemblances conceptuelles.
Point jurisprudence
Dans le cadre d’une demande en nullité fondée sur le défaut de distinctivité d’un signe, il appartient au demandeur à l’action de démontrer l’absence de distinctivité du signe contesté, étant précisé que le caractère distinctif d’un signe s’apprécie au jour de son dépôt et non pas au jour de l’introduction de l’action en nullité (INPI, 16 décembre 2021, n°NL 21-0104).
Dans le cadre d’une demande en nullité fondée sur une marque antérieure, la Cour d’appel de Bordeaux a pu rappeler dans une décision du 4 janvier 2022 que :
« Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il existe, entre les deux signes, un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen, risque qui s’apprécie globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents, sur la base de l’impression d’ensemble apportée par la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants respectifs.
Le risque de confusion recouvre le risque d’association dès lors que le consommateur peut être amené à croire qu’il est en présence de déclinaison de marques.
Il revient à la cour d’apprécier en l’espèce ce risque dans l’esprit du consommateur provenant d’une part d’une identité sur les produits visés et d’autre part sur les similitudes entre les signes en cause. » (Cour d’appel de Bordeaux, 4 janvier 2022, n°20-04.944)
Point sur la procédure d’opposition
En France, une demande de marque peut faire l’objet d’opposition de tiers dans les deux mois suivants sa publication au Bulletin Officiel de la propriété industrielle (BOPI).
Passé ce délai, une personne physique ou une société titulaire de droit antérieur, qui n’aurait pas détecté le dépôt de marque similaire, notamment dans le cadre de sa surveillance, pourra encore intenter une action en nullité et/ou une action en contrefaçon à l’encontre de la marque enregistrée.
Le Cabinet Bouchara vous accompagne notamment dans :
- La recherche d’antériorités préalable au dépôt de marque ;
- La rédaction du libellé des classes de produit(s) et/ou service(s) ;
- Le dépôt de vos marques devant les Offices de propriété intellectuelle ;
- La protection et la défense de vos droits de marque à l’égard des tiers devant les Offices de propriété intellectuelle et les Tribunaux ;
- Les procédures d’opposition, d’action en nullité, de saisie-contrefaçon et en déchéance.