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Dénigrement

Le dénigrement constitue une limite à la liberté d’expression qui est une liberté fondamentale, et implique en soi un droit à la critique qui doit être justifié par une volonté d’information.

Le dénigrement se distingue de la diffamation qui est régie par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et relève donc d’un régime de responsabilité particulier.

Le dénigrement se définit comme une pratique qui consiste à jeter le discrédit sur un concurrent, en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits et/ou services, des informations malveillantes dans le but de lui nuire (voir notamment – Tribunal de Commerce de Paris, 22 février 2013, n°2012076280).

Toutefois, la jurisprudence a posé le principe selon lequel il n’était pas nécessaire qu’il y ait un lien de concurrence pour que la qualification de dénigrement soit retenue (Cass. com., 20 novembre 2007, n°05-15.643).

Afin que le dénigrement soit fautif, il est nécessaire qu’il soit public (communication sur Internet, dans la presse etc…).

En effet, il a été jugé qu’en l’absence de diffusion au public il n’y avait pas dénigrement (Cour d’appel de Paris, 7 novembre 2012, n°11-05.382).

Toutefois, dès lors qu’un tel document est rendu accessible à un tiers, il y a dénigrement (Cass. com., 3 juillet 2001, n°98-18.352 – concernant de propos dénigrants tenus par le gérant d’une société retranscrit dans les annexes aux comptes annuels qui peuvent être consultés par toute personne en demandant copie).

Les attaques collectives peuvent également constituer un dénigrement.

La jurisprudence condamne ainsi certaines publicités dénigrantes qui, sans viser une entreprise déterminée, visent plusieurs sociétés ou groupes de sociétés.

Le dénigrement est le plus souvent dirigé contre :

  • Les pratiques commerciales d’une entreprise (par exemple, blâmer l’entreprise sur la manière dont elle exerce son activité – ses procédés de vente, son SAV, etc…) ;
  • Le fabricant d’un produit;
  • Le produit en tant que tel (par exemple, sur les effets indésirables de son utilisation).

En l’absence de régime spécial particulier, le régime de responsabilité de droit commun de l’article 1240 du Code civil s’applique au dénigrement : il faut une faute, un dommage et un lien de causalité.

FAUTE : L’intention de nuire 

La faute sera caractérisée dès lors que les actes outrepassent le droit à la critique relevant de la liberté d’expression.

Pour apprécier la faute constitutive du dénigrement le juge mettra toujours en balance la liberté d’expression, ainsi que le droit à la critique et le droit à l’information avec le principe de responsabilité civile délictuelle.

La jurisprudence a posé comme condition l’intention de nuire.

Si cette intention est démontrée, elle implique que la liberté d’expression et le droit à l’information ont été dépassés : le but n’étant plus d’informer mais bien de discréditer.

L’intention de nuire se concrétise notamment par la volonté de « porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle […] de l’entreprise visée, concurrente ou non » de l’auteur du dénigrement (Cour d’appel de Versailles, 9 septembre 1999, n°1998-2345 ; Cour d’appel de Bordeaux, 4 mars 2021, n°20-02.738).

Toutefois, cette condition reste souple car il n’est pas nécessaire que l’auteur du dénigrement soit en situation de concurrence.

PREJUDICE : Le discrédit

L’atteinte subie par la personne visée par le dénigrement peut être matérielle (par exemple un préjudice commercial) mais est surtout morale.

Dans un premier temps, le préjudice sera naturellement moral en ce que le dénigrement entraîne une atteinte à l’image de la personne physique ou à l’image de marque de la personne morale.

De cette atteinte peut découler un préjudice matériel caractérisé notamment par une diminution de clientèle, de ventes.

LIEN DE CAUSALITE

Il faut justifier que le discrédit subi par la personne provienne du reproche qui lui a été fait.

Dès lors que ces trois éléments sont démontrés (faute, préjudice, lien de causalité entre la faute et le préjudice), la victime du dénigrement est susceptible d’obtenir du Tribunal la condamnation de la partie adverse en réparation du dommage subi du fait des actes de dénigrement.

Toutefois, les Tribunaux prennent en compte certains éléments de défense qui seront considérés comme de nature à permettre à l’auteur des propos dénigrants de se dégager de sa responsabilité.

Point sur l’exception de vérité en cas de décision de justice

Le fait pour l’auteur du dénigrement de démontrer l’exactitude du reproche et des faits révélés ne suffit pas toujours à l’exonérer de sa responsabilité.

Ainsi, les juges ont pu considérer que : « La divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte. » (Cass. com., 7 mai 2019, n°17-16.774).

Cependant, lorsque la véracité des propos dénigrants est constatée dans une décision de justice, et que les propos se réfèrent à la décision en question, cela peut être considéré comme un cas d’exonération.

Les Tribunaux procèderont, au vu de la dernière jurisprudence, à une appréciation au cas par cas afin de déterminer si oui ou non la révélation de cette décision par un tiers est faite avec mesure, ce qui permettra à l’auteur d’échapper à toute condamnation, ou est au contraire agrémentée de propos déplaisants et dénigrants, dans une telle hypothèse la responsabilité de son auteur sur le fondement du dénigrement pourrait être envisagée.

Point sur la critique humoristique

L’humour peut également justifier des propos qui pourraient a priori apparaître comme
dénigrants mais qui relèveront en conséquence du droit à la libre critique.

Il est donc possible de dénigrer une marque si la critique est justifiée par un intérêt légitime, tel que la santé publique, la parodie humoristique ou un usage polémique étranger à la vie des affaires.

C’est ce qu’a notamment pu retenir la Cour de cassation dans plusieurs décisions concernant des propos dénigrants relatifs à une marque automobile tenus dans « les guignols de l’info » (voir notamment – Cass. ass. plén., 12 juill. 2000, no99-19.004).

Toutefois, la Cour d’appel de Paris, dans une décision du 24 septembre 2021, a jugé que :

 « la valeur violente de l’expression définitive et sans autre commentaire en forme de slogan ‘C’est quoi cette merde » Il faut vite le jeter dans le feu’ excède l’humour et la dérision que le droit de libre critique compris dans la liberté d’expression pouvait autoriser à l’occasion du lancement du premier magasine, et caractérise l’acte de dénigrement […] » (Cour d’appel de Paris, 24 septembre 2021, n°19-17.218).

Les juges apprécient au cas par cas si la principale démarche du dénigrement est de discréditer, décrier ou rabaisser une marque et ses produits, alors la responsabilité délictuelle de l’auteur des propos pourrait être valablement engagée.

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