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Epuisement des droits

La règle de l’épuisement des droits figure à l’article 15 de la Directive (UE) n°2015/2436 sur les marques ainsi qu’à l’article 4, § 2, de la Directive (UE) n°2001/29 sur le droit d’auteur, lequel prévoit que :

« Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement. »

Les dispositions telles que codifiées en droit français sont les suivantes :

  • En matière de marques, la loi prévoit que:

« Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

Toutefois, faculté reste alors ouverte au titulaire de la marque de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits » (article 713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle) ;

« Dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires matériels d’une œuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette œuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen. » (article L.122-3-1 du Code de la Propriété Intellectuelle). 

Cette règle s’applique également en matière de dessins et modèles (article L.513-8 du Code de la Propriété Intellectuelle) et de brevets (article L.613-6 du Code de la Propriété Intellectuelle).

La notion juridique d’épuisement des droits est une limite au monopole conféré par les actifs de propriété intellectuelle en neutralisant le droit exclusif du titulaire des droits.

Ainsi, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle qui a mis en circulation dans le commerce, dans un État membre de l’Espace économique européen (EEE), notamment des produits portant sa marque ou objets de droits d’auteur ne pourra pas en interdire l’usage dans l’EEE, à moins qu’il existe des motifs légitimes d’interdiction.

Dans ces conditions, les droits de propriété intellectuelle s’épuisent dès la première mise dans le commerce du produit par le titulaire ou avec son consentement.

  • Première mise dans le commerce : il s’agit de la vente du produit par le titulaire à un tiers ;
  • Consentement : lorsque le titulaire a donné son autorisation pour la mise dans le commerce des produits.

Quels sont les motifs légitimes qui peuvent faire obstacle à l’application de l’épuisement des droits ?

Le texte fait référence à « la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits ».

Dans une telle hypothèse, il y a atteinte à la fonction de garantie de la marque et il ne sera donc pas possible d’évoquer l’épuisement.

Ainsi, la jurisprudence considère qu’en principe, le reconditionnement des produits avec réapposition de la marque, est susceptible de constituer une modification ou altération de l’état des produits.

L’épuisement des droits est un moyen de défense dans les actions en contrefaçon. Il incombe à celui qui invoque l’épuisement du droit de le prouver. Ainsi, il faut être en mesure de justifier que les conditions de son application sont remplies.

Il est particulièrement intéressant de se concentrer sur le cas d’un contrat de licence de marque qui prévoit des clauses qui limitent l’exploitation à un territoire donné.

Dans une affaire DIOR (CJCE, 23 avril 2009, Aff. C-59/08), il a été considéré que :

« L’article 8, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l’encontre d’un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits tels que ceux en cause au principal, pour autant qu’il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à l’affaire au principal, porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu’il est établi que cette clause correspond à l’une de celles prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.

Lorsque la mise dans le commerce de produits de prestige par le licencié en violation d’une clause du contrat de licence doit néanmoins être considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, ce dernier ne peut invoquer une telle clause pour s’opposer à une revente de ces produits sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, que dans le cas où il est établi, compte tenu des circonstances propres à l’espèce, qu’une telle revente porte une atteinte à la renommée de la marque. »

Dans ces conditions, si une clause territoriale n’est pas respectée par le licencié, le titulaire ne peut invoquer une telle clause pour s’opposer à une revente des produits que dans le cas où il est établi qu’une telle revente porte une atteinte à la renommée de la marque.

Point jurisprudence Pierre CARDIN

Pierre Cardin et la société de gestion Pierre Cardin ont assigné en contrefaçon un revendeur et un grossiste commercialisant des produits sous la marque « Pierre Cardin ».

L’épuisement des droits était invoqué en défense.

Il était établi que les parties avaient des relations commerciales régulières. La Cour d’Appel a considéré que le Tribunal avait à juste titre estimé, au vu notamment des bons de commande et factures produits, que les vêtements provenaient d’un fabricant sous licence PIERRE CARDIN, et que ces vêtements avaient donc été mis sur le marché de l’EEE par le titulaire des marques ou tout au moins avec son consentement et qu’il a dit en conséquence que la preuve de l’épuisement des droits de marque était suffisamment rapportée.

Dans ces conditions, les demandes en contrefaçon ont été rejetées.

Par ailleurs, il a été considéré que Pierre Cardin et la société de gestion Pierre Cardin avaient mis en œuvre des mesures contraires aux règles de la concurrence en insérant des clauses contractuelles dans des contrats de licence de marque contribuant à la mise en place d’un réseau de distribution exclusive, ayant pour effet de restreindre de manière générale les ventes passives, et en prenant des mesures afin d’empêcher le grossiste de poursuivre la commercialisation de produits Pierre Cardin ainsi acquis (Cour d’appel de Paris, 28 juin 2019, n°18-01.801).

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