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Forclusion par tolérance
En matière de droit des marques, la forclusion par tolérance est une fin de non-recevoir prévue aux articles suivants :
- L’article 716-2-8 du Code de la Propriété Intellectuelle en ce qui concerne l’action en nullité de marque :
« Le titulaire d’un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l’usage d’une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n’est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l’article L. 711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l’usage de la marque a été toléré, à moins que l’enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi. » ;
- L’article 716-4-5 du Code de la Propriété Intellectuelle en ce qui concerne l’action en contrefaçon:
« Est irrecevable toute action en contrefaçon introduite par le titulaire d’une marque antérieure à l’encontre d’une marque postérieure :
1° Lorsque le titulaire de la marque antérieure a toléré pendant une période de cinq années consécutives l’usage de la marque postérieure en connaissance de cet usage et pour les produits ou les services pour lesquels l’usage a été toléré, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi. »
Ainsi, la forclusion par tolérance sanctionne l’inaction du titulaire de la marque lorsque les quatre conditions suivantes sont réunies :
- La marque postérieure est enregistrée ;
- Le titulaire de la marque postérieure était de bonne foi au moment de son dépôt ;
- La marque postérieure est effectivement exploitée dans le territoire pour lequel la marque antérieure est protégée ;
- Le titulaire de la marque antérieure connaît effectivement cette exploitation et l’a tolérée pendant une période consécutive de 5 ans.
En pratique, lorsque la forclusion par tolérance est invoquée comme moyen de défense à une action en nullité de marque ou une action en contrefaçon, la principale difficulté pour le défendeur est celle d’établir que le demandeur est au courant de l’exploitation de la marque litigieuse et surtout depuis quand.
Aussi, la jurisprudence ne conditionne pas nécessairement l’application de la forclusion par tolérance à la preuve matérielle d’une connaissance effective de l’exploitation.
Dans certains cas, la jurisprudence a pu reconnaitre l’existence d’une tolérance dans des circonstances qui conduisent à considérer que le titulaire de la marque antérieure ne pouvait pas ignorer l’exploitation de la marque postérieure (Cass. com., 5 juill. 2016, n°14-18.540) :
« les pièces versées aux débats montrent que, depuis l’année 2000, la marque « Ainhoa » fait l’objet, pour des produits de la classe 3, d’annonces publicitaires nombreuses et régulières dans différents pays de l’Union européenne et, en particulier, dans des revues françaises et, ensuite, qu’il est établi que ladite marque et les marques de la société L’Oréal ont fait l’objet de promotions dans les mêmes publications françaises, italiennes, espagnoles, parfois dans le même numéro, tels un magazine italien de septembre 2003 et un magazine espagnol de novembre 2009 ; qu’il retient, en outre, que les programmes des différents salons professionnels internationaux qui se sont tenus depuis 2001, en particulier un salon organisé à Madrid en 2004, justifient de la présentation par la société Cosmetica Cabinas des produits « Ainhoa » et de la participation de la société L’Oréal à ces mêmes salons ; qu’il ajoute, enfin, que ces sociétés sont toutes deux adhérentes, depuis 2006, de la même association espagnole de parfums et cosmétiques ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, dont elle a déduit que la société L’Oréal avait nécessairement connaissance, depuis plus de cinq ans au jour de l’assignation en contrefaçon, de l’exploitation par la société Cosmetica Cabinas de la marque « Ainhoa » pour des produits de la classe 3, la cour d’appel, qui a statué par des motifs propres à caractériser, à la fois un usage de la marque par son titulaire dans différents pays de l’Union européenne, dont la France, de façon régulière depuis son enregistrement, et, s’agissant de deux sociétés en situation de concurrence, la connaissance de cet usage avec un degré de certitude suffisant par la société titulaire de la marque antérieure, a légalement justifié sa décision »
Ce qui précède témoigne de l’importance fondamentale pour les titulaires de marques de :
- Mettre en place des surveillances de leurs marques, afin d’identifier les dépôts de marques de tiers identiques ou similaires ;
- Agir rapidement et efficacement à l’encontre de tels dépôts afin d’éviter l’enregistrement de la marque litigieuse, de même que son exploitation.
Pour cela, il est recommandé de se faire assister par un avocat spécialisé en la matière dans les procédures contentieuses et précontentieuses et/ou un conseil en propriété intellectuelle (CPI), notamment pour connaître les délais de prescription d’une action, les moyens de défense pouvant être soulevés à l’encontre de son adversaire, l’opportunité d’un règlement amiable etc…
Point sur la marque de l’Union européenne
Le principe de la forclusion par tolérance est prévu au Règlement (UE) n°2017/1001 sur la marque de l’Union Européenne, à l’article 61 :
« Le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’Union en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi. »
Point jurisprudence
Le délai de forclusion court à compter de la connaissance de l’exploitation de la marque postérieure.
« C’est la connaissance de l’usage de la marque qui doit avoir été toléré durant 5 années pour entraîner la forclusion de l’action en nullité ou l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon. Dès lors, le point de départ de ces délais ne peut être celui de la publication de la demande d’enregistrement de la marque, ni même de son octroi mais doit être apprécié, au cas d’espèce, par la connaissance de l’usage effectif de la marque seconde. » (Cour d’appel de Paris, 17 novembre 2017, n°16-20.736).
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