En droit, les notions de marque de renommée et de marque notoire ont tout d’abord été dégagées par la jurisprudence et concernent des marques qui, du fait de leur importante notoriété auprès du public, sont susceptibles de bénéficier d’une protection élargie.
Si ces deux notions sont proches, il ne s’agit néanmoins pas de synonymes : le régime juridique de la marque renommée et de la marque notoire est distinct.
Concernant tout d’abord le régime de la marque renommée, celui-ci peut être accordé au bénéfice du titulaire d’une marque enregistrée, qui justifie que sa marque est largement connue d’une partie significative du public concerné pour les produit(s) et/ou service(s) qu’elle désigne (CJUE, 14 septembre 1999, Aff. C-375/97, points 22, 23 et 26).
Conditions de protection de la marque de renommée
Le bénéfice du régime de la marque renommée, qu’il s’agisse de la renommée d’une marque française ou d’une marque de l’Union européenne, suppose ainsi la réunion des conditions suivantes :
- Marque enregistrée (ou demande de marque, sous réserve de son enregistrement ultérieur) ;
- Degré suffisant de connaissance de cette marque par une partie significative du public pertinent : la « partie significative du public pertinent» s’apprécie à deux niveaux :
- Le premier niveau est celui du territoire concerné par la connaissance alléguée : la portée de la connaissance de la marque ne peut pas être seulement locale pour une marque française, ou seulement centrée sur un état membre de l’Union européenne pour une marque de l’Union européenne (à de rares exceptions près).
- Le deuxième niveau est celui de la « connaissance » par le public : pour établir cette connaissance étendue, la jurisprudence prend en considération tous les éléments pertinents pour apprécier la renommée, et notamment la part de marché détenue par la marque, l’intensité de son usage, l’étendue géographique et la durée de son usage, ou encore l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir et la commercialiser (voir notamment INPI, 22 décembre 2020, n°NL 20-0009; INPI, 13 janvier 2021, n°NL 20-0037 ; Cour d’appel de Paris, 9 mars 2018, n°16-24.260).
La preuve de la renommée doit être claire et convaincante, et la jurisprudence est très stricte à ce sujet.
En effet, cette appréciation stricte s’explique par le fait que lorsque la renommée de la marque est considérée comme établie, son titulaire échappe au principe de spécialité, ce qui peut être considéré comme une entrave au principe de libre concurrence.
Il peut alors valablement opposer sa marque à une marque et/ou à un usage d’un signe postérieur identique ou similaire à la marque renommée, pour des produit(s) et/ou service(s) différents.
Conditions d’atteinte à la marque de renommée
Il ne pourra toutefois être dérogé au principe de spécialité qu’en cas d’atteinte à la marque renommée, laquelle est caractérisée lorsque l’usage de la marque postérieure tire indûment profit, sans juste motif, du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou lui porte préjudice.
La marque notoire, elle, concerne un signe non enregistré auprès des Offices qui est devenu largement connu du public du fait de l’usage qui en est fait (cet usage devant tout de même être fait « à titre de marque », cf. Contrefaçon).
Cette notion émane de l’article 6bis de la Convention d’Union de Paris.
En l’absence d’enregistrement à titre de marque, depuis l’introduction du « Paquet Marques », la marque notoire non déposée peut être opposée dans le cadre d’une opposition ou d’une action en nullité devant l’INPI.
Toutefois, celui qui revendique une marque notoire non enregistrée n’est pas recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon : il s’agit d’une action classique en responsabilité civile.
Point jurisprudence
L’EUIPO a refusé de reconnaître la renommée de la marque (TIK TOK) car le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’informations sur le niveau de connaissance des marques TIK TOK parmi les consommateurs concernés de l’Union européenne (EUIPO, Opp. B3135494, 22 décembre 2021).
La société demanderesse n’a pas non plus produit de factures, d’exemple de publicités ou de preuves indiquant l’ampleur de la promotion des marques, de sondage d’opinion ni aucune preuve concluante pour étayer les chiffres d’affaires ou autres données chiffrées mentionnées dans des articles en ligne.
La jurisprudence est donc particulièrement stricte dans l’appréciation de la renommée et apprécie le sérieux de chacun des dossiers de renommée qui lui sont soumis, indépendamment de la connaissance « grand public » d’une marque.
Point sur le principe de spécialité
En vertu du principe de spécialité, la protection d’une marque n’est pas absolue et se limite aux produit(s) et/ou service(s) qu’elle identifie.
Ainsi, quand bien même deux signes seraient parfaitement identiques, le risque de confusion pourra être écarté si les signes sont exploités pour des produit(s) et/ou service(s) différents, le public n’étant pas fondé à leur attribuer une origine commune en pareil cas.
Point sur le « Paquet Marques »
Alors que les marques notoires et renommées étaient alors soumises au même régime et cantonnées aux actions en responsabilité civile, la loi PACTE a introduit la possibilité d’invoquer des marques notoires ou renommées dans le cadre d’oppositions et d’actions en nullité devant l’INPI.
La marque renommée peut désormais également être invoquée au soutien d’une action en contrefaçon devant les Tribunaux, tandis que la marque notoire continue à ne pouvoir être opposée que dans le cadre d’une action en responsabilité civile classique.
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