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Usage sérieux

L’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un monopole d’exploitation qui lui permet d’exploiter librement sa marque dans le territoire dans lequel elle est déposée (principe de territorialité) et pour les produits et/ou services visés dans l’enregistrement (principe de spécialité).

Ce monopole permet également au titulaire de s’opposer à tout usage non autorisé d’un signe similaire par un tiers.

Si le titulaire de la marque dispose de droits de propriété intellectuelle sur celle-ci, encore faut-il qu’il l’exploite de manière effective et sérieuse.

En effet, l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit qu’ « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. »

L’article 58.1. du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE) n°2017/1001 prévoit que : « Le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits […]

(a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. »

Ainsi, une marque enregistrée depuis plus de 5 années est susceptible d’être annulée, à la demande de tous tiers, si son titulaire ne l’a pas effectivement exploitée durant les cinq années précédant l’introduction de l’action en déchéance.

La déchéance pour défaut d’exploitation permet ainsi de limiter le nombre de marques sur les registres et permet d’augmenter le nombre de signes disponibles sur un marché.

La preuve de l’usage sérieux incombe au titulaire de la marque et peut être rapportée par tous moyens, notamment à travers des factures, mais également des éléments de promotion et de communication.

L’usage devra être sérieux, à savoir public, réel et non fictif ou symbolique (Cass. com., 31 janvier 2012, n°11-14.317). L’usage doit par ailleurs être conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’origine d’un produit ou d’un service de ceux qui ont une autre provenance (Cass. com., 28 avril 2004, n°02-10.505).

Pour établir l’usage, il convient que les preuves :

  • Soient correctement datées et dans la période de référence ;
  • Concernent tous les produits et/ou services désignés par la marque. A défaut de justifier de l’usage pour chacun des produits et/ou services, la marque sera annulée pour les produits et/ou services.

Parfois la marque est utilisée de manière modifiée eu égard au dépôt réalisé, pour que cela puisse valoir usage de la marque enregistrée, la marque exploitée ne doit différer de celle-ci que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif.

Certains autres pays adoptent une approche différente de l’usage.

Par exemple, aux Etats-Unis, le système en place est un système qui reconnaît l’usage par priorité au dépôt .

Ainsi, cela implique qu’au stade du dépôt le déposant puisse se baser sur les fondements suivants :

  • L’usage de la marque: en pareil cas, le déposant devra fournir des preuves d’usage de sa marque au stade du dépôt ;
  • L’intention d’usage de la marque.

Dans tous les cas, afin de maintenir la marque en vigueur, le titulaire de la marque devra justifier de l’usage de sa marque régulièrement et signer à cet effet des déclarations d’usage (Affidavit). A défaut, la protection de la marque ne pourra pas être maintenue.

Cela implique également qu’en cas d’usage s’opposant à un dépôt postérieur, celui qui aura commencé à utiliser aura des droits antérieurs.

Usage sérieux et marque de l’Union européenne

L’usage sérieux d’une marque de l’Union Européenne doit s’entendre d’un usage de la marque par une partie significative du public concerné par la marque et dans une partie substantielle du territoire de la communauté.

S’est alors posée la question de l’étendue de cet usage sur le territoire de l’Union Européenne.

Le Tribunal de l’Union européenne a considéré que l’exploitation dans un seul état membre suffisait puisqu’il fallait tenir compte tant des caractéristiques des produits et/ou des services concernés sur le marché correspondant que des caractéristiques de ce marché lui-même.

Le fait que le marché européen des matériels de pansement s’étende à d’autres États membres que l’Espagne, où un usage est démontré, ne s’oppose donc pas par principe à la conclusion que cet usage puisse être sérieux (TUE, 7 novembre 2019, Aff. T-380/18) :

« l’étendue territoriale n’est qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne […]. En effet, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque de l’Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée […]

En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés. […]

il importe peu qu’une marque de l’Union ait été utilisée dans un ou plusieurs États membres. Ce qui importe, c’est l’incidence de l’usage sur le marché intérieur ; plus exactement, la question de savoir si cet usage suffit pour maintenir ou créer des parts de marché sur ce marché, pour les produits ou services désignés par la marque et s’il contribue à une présence commerciale significative des produits ou des services sur ce marché.[…]

En effet, il convient de considérer que l’usage d’une marque antérieure de l’Union européenne dans un État membre est susceptible de produire des effets sur le marché intérieur, en assurant, par exemple, la réputation des produits – de façon sensible sur le plan commercial – auprès d’acteurs d’un marché plus étendu que celui qui correspond au territoire où la marque est utilisée. »

Point sur la reprise de l’exploitation de la marque

L’envoi d’une lettre de demande de preuves d’usage empêche le titulaire de la marque potentiellement contestée de reprendre l’usage de sa marque. En effet, l’alinéa 4 de l’article L.716-3 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que :

« L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans mentionnée au premier alinéa de l’article L. 714-5 ne fait pas obstacle à la déchéance si cet usage a débuté ou a repris dans un délai de trois mois précédant la demande de déchéance et après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée. »

Point sur les stratégies de défense en Chine

L’action en déchéance peut être introduite à l’encontre des marques chinoises aux termes d’un délai de 3 années suivant leur enregistrement.

Contrairement à l’INPI et à l’EUIPO, lors de l’examen de la demande de marque, l’Office chinois procède à une recherche d’antériorités et peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque sur le fondement d’un droit antérieur identique ou similaire.

Si l’Office oppose au déposant une marque antérieure enregistrée depuis plus de 3 années et qu’elle ne semble pas être exploitée par son titulaire, il est opportun d’introduire une action en déchéance à son encontre et tenter d’obtenir son annulation afin de surmonter le refus de l’Office.

Cependant, cela n’interrompra pas la procédure d’examen d’une marque et peut obliger un titulaire à redéposer sa marque pour éviter qu’un tiers ne le fasse dans l’intervalle.

Le Cabinet Bouchara vous accompagne notamment dans :

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  • La constitution de dossiers de preuves d’usage ;
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