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LOI PACTE : PAQUET MARQUES

Vanessa Bouchara

Mise à jour le 16 janvier 2022
LOI PACTE : PAQUET MARQUES

Le droit français des marques a subi des modifications majeures depuis l’entrée en vigueur, le 11 décembre 2019, de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Loi Pacte », complétée notamment de l’Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 et du Décret n°2019-1316 du 9 décembre 2019, ainsi que de deux décisions du Directeur Général de l’INPI du 11 décembre 2019 respectivement n°2019-157 et n°2019-158.

La Loi Pacte s’inscrit dans le cadre de la mise en conformité du droit français avec le « Paquet Marques » de l’Union Européenne découlant de la directive n°2015/2436 adoptée le 16 décembre 2015.

Les nouvelles dispositions introduites par la Loi Pacte ont notamment pour effet d’ajouter des nouvelles catégories de marques pouvant faire l’objet de protection, mais également de nouveaux droits antérieurs pouvant faire obstacle à la validité d’une marque.

De plus, la Loi Pacte a pour effet de modifier profondément la procédure d’opposition et d’attribuer de nouvelles compétences exclusives à l’INPI en matière de nullité et de déchéance des marques françaises.

 

 

 

LES MARQUES

Les nouvelles dispositions introduites aux articles L.711-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle sont applicables aux marques déposées à partir du 11 décembre 2019.

Les nouvelles catégories de marques

L’un des apports majeurs de la réforme est l’abandon de l’exigence de représentation graphique.

L’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose désormais que :

« La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.

Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. »

Ainsi, cette nouvelle rédaction a pour effet d’élargir considérablement la liste des catégories de signes pouvant faire l’objet d’une protection à titre de marque, qui comprend désormais :

  • Les marques verbales ;
  • Les marques figuratives et semi-figuratives ;
  • Les marques de forme ;
  • Les marques holographiques ;
  • Les marques de motif ;
  • Les marques de couleur (couleur unique ou combinaison de couleurs) ;
  • Les marques sonores ;
  • Les marques de mouvement ;
  • Les marques multimédia ;
  • Les marques de position.

En outre, la nouvelle rédaction des Sections 1 et 2 du Chapitre 5, Livre VII du Code de la propriété intellectuelle introduit un changement de vocabulaire et de statut des marques collectives :

  • La marque « collective de certification » devient la marque « de garantie » pour ne pas prêter à confusion avec la notion de certification au sens du droit français. Son régime, établi par les articles L.715-1 et suivants, est proche de la marque de certification de l’Union européenne, quant aux motifs de nullité et de déchéance. Le dépôt est accompagné d’un règlement d’usage.
  • La marque collective, régie par les articles L.715-6 et suivants du même code, est similaire à la marque collective de l’Union européenne. Le dépôt est accompagné d’un règlement d’usage.

Les nouveaux motifs absolus et relatifs de refus des marques

La réforme du droit des marques a eu pour effet d’introduire les nouveaux articles L711-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle qui recensent les motifs absolus et relatifs de refus et de nullité des marques.

Nouveaux motifs absolus de refus et de nullité de la marque

L’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle liste l’ensemble des motifs absolus de refus et/ou nullité de la marque. Outre les cas qui étaient déjà prévus sous le régime antérieur, cet article prévoit expressément que ne peuvent être valablement enregistrées, ou le cas échéant doivent être annulées, les marques :

  • Dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi ;
  • Dont le signe constitue une appellation d’origineindication géographique ou mention traditionnelle pour les vins et spécialités traditionnelles protégées ;
  • Dont le signe constitue la dénomination d’une variété végétale antérieure.

Nouveaux motifs relatifs de refus et de nullité d’une marque

Les articles L.711-3 et L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle listent l’ensemble des motifs relatifs de refus et/ou nullité de la marque, à savoir les droits antérieurs opposables à une marque. Cette liste fait expressément référence notamment aux droits suivants :

  • Marque de renommée, au-delà du principe de spécialité ;
  • Nom de domaine ;
  • Indication géographique protégée ;
  • Nom, image ou renommée d’une collectivité territoriale ou établissement public.

LES OPPOSITIONS 

L’un des autres apports majeurs de la réforme du droit des marques est la création d’une nouvelle procédure d’opposition (articles L.712-4 et suivants du Code de la propriété intellectuelle) applicable à l’encontre des demandes de marques déposées à partir du 11 décembre 2019.

Les nouveaux fondements de l’opposition

La procédure d’opposition à l’encontre d’une demande de marque française, ou désignation française d’un enregistrement international, peut désormais être fondée sur un ou plusieurs droits antérieurs sous réserve que tous les droits invoqués appartiennent au même titulaire.

En outre, la nouvelle rédaction de l’article L.712-4 du Code de propriété intellectuelle élargit la liste de droits antérieurs pouvant être invoqués dans le cadre d’une opposition, qui comprend notamment :

  • La marque antérieure jouissant d’une renommée ;
  • Une dénomination ou raison sociale, un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine ;
  • Une indication géographique ;
  • L’atteinte au nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
  • L’atteinte au nom d’une entité publique.

La nouvelle procédure d’opposition

La nouvelle procédure d’opposition auprès de l’INPI s’apparente à celle déjà en vigueur auprès de l’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle), dans la mesure où elle comprend désormais une première étape purement formelle, puis une phase contradictoire, comme suit :

1– L’opposant peut désormais procéder dans un premier temps, dans le délai de deux mois à compter de la publication de la demande de marque contestée, au dépôt d’une déclaration d’opposition formelle.

Cette déclaration devra identifier le(s) droit(s) antérieur(s) invoqué(s) et la demande de marque contestée et être accompagnée du paiement des redevances d’opposition, à savoir :

  • 400 euros si l’opposition est fondée sur un seul droit antérieur ;
  • 150 euros supplémentaires pour chaque droit antérieur invoqué en plus du premier.
2– Dans un second temps, l’opposant devra déposer les arguments de l’opposition, dans un délai d’un mois après le dépôt de l’opposition formelle.
 
 
3– Ensuite, la procédure se poursuit avec une phase dite « contradictoire » pendant laquelle les parties sont invitées à échanger leurs arguments et pièces respectifs :
  • Le déposant dispose d’un premier délai de deux mois pour répondre à l’opposition ;
  • Les parties pourront ensuite échanger plusieurs jeux d’observations dans des délais respectifs d’un mois, fixés par notifications de l’INPI ;
  • Les parties ont la possibilité de solliciter une présentation « d’observations orales » dans le cadre d’une audition qui sera fixée par notification de l’INPI le cas échéant ;
  • Les parties ont la possibilité de solliciter, conjointement, jusqu’à trois suspensions, pour des périodes de 4 mois chacune, qui peuvent être cumulatives ou non (soit jusqu’à 12 mois maximum).
4– La décision du Directeur Général de l’INPI est rendue dans les 3 mois à compter de la clôture de la procédure contradictoire, le défaut de décision valant rejet de l’opposition.
 

Les nouvelles exigences relatives à la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée dans le cadre de l’opposition

Aux termes du nouvel article L.712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de 5 ans est rejetée lorsque l’opposant, sur requête du titulaire de la demande de marque contestée, n’est pas en mesure de prouver :

  • L’usage sérieux de la marque invoquée pour la période de cinq ans précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque contestée,
  • Pour tous les produits et services invoqués à l’appui de l’opposition,
  • Ou à défaut, qu’il existait des justes motifs pour son non-usage.

ACTION EN NULLITE OU DECHEANCE  

L’ordonnance a mis en place une procédure administrative en nullité ou en déchéance des marques enregistrées, qui s’applique depuis le 1er avril 2020.

Ainsi, l’INPI et les Tribunaux se partagent désormais la compétence en matière d’actions en nullité et d’actions en déchéance.

Actions en nullité 

En ce qui concerne les actions en nullité, l’article L.716-2 du Code de la propriété intellectuelle organise une compétence exclusive au profit de l’INPI en matière d’actions en nullité de marque formées à titre principal.

Dans ce cadre, l’ensemble des titulaires de droits antérieurs tels que listés aux articles L.711-3 et L.716-2 du Code de la propriété intellectuelle, peuvent agir directement devant l’INPI. Ces personnes peuvent notamment être :

  • Le titulaire d’une marque ou son licencié exclusif ;
  • Le titulaire de droits sur une dénomination sociale ou raison sociale ;
  • Le titulaire de droits sur un nom commercial ou enseigne ;
  • Le titulaire de droits sur un nom de domaine ;
  • Le titulaire de droits découlant d’une indication géographique (AOP/IGP) ;
  • Le titulaire de droits sur le nom d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public ;
  • Le titulaire de droits sur le nom d’une activité exercée par une personne morale de droit public.

L’INPI connaît ainsi des actions en nullité formées tant sur des motifs de nullité absolue (énoncés aux articles L.711-2, L.715-4 et L.715-9 du Code de la propriété intellectuelle) que sur des motifs de nullité relative issue de l’existence desdits droits antérieurs.

En parallèle, les Tribunaux conservent une compétence exclusive pour connaître des actions en nullité lorsque celles-ci sont formées de façon connexe ou reconventionnelle à toute autre demande relevant de la compétence des Tribunaux (et notamment les actions en contrefaçon et en concurrence déloyale).

Les Tribunaux restent toutefois compétents pour les actions en nullité formées à titre principal, lorsque celles-ci sont fondées sur l’existence de droits d’auteurs, de droits de dessins et modèles et/ou de droits de la personnalité antérieurs (article L.711-3 6° et 8° du Code de la propriété intellectuelle).

Actions en déchéance 

Devant l’INPI tout comme devant les Tribunaux, l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle précise que toute personne intéressée est susceptible de former une action en déchéance.

A compter du 1er avril 2020 et en vertu de l’article L.716-3 précité, l’INPI sera investi d’une compétence exclusive pour toutes les actions en déchéance formées à titre principal fondées notamment sur :

  • La déchéance, totale ou partielle, pour défaut d’usage sérieux pendant une période ininterrompue de 5 ans ;
  • La déchéance d’une marque devenue la désignation usuelle ou générique pour désigner tout ou partie des produits et services désignés par son enregistrement ;
  • La déchéance d’une marque trompeuse pour le public ;
  • La déchéance d’une marque de garantie ou d’une marque collective.

Là encore, l’INPI partage sa compétence avec les Tribunaux qui conservent une compétence pour les actions en déchéance formées à titre reconventionnel d’une action principale dont la compétence relève des Tribunaux (article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle précité).

Procédure spécifique devant l’INPI pour les actions en nullité et en déchéance formées à titre principal 

Lors de l’introduction de la demande en nullité ou en déchéance, un certain nombre d’éléments obligatoires doivent être fournis par le demandeur en nullité ou en déchéance :

  • Identité du demandeur et, dans le cadre d’une action en nullité fondée sur des droits antérieurs, les indications propres à établir l’existence, la nature, l’origine et la portée des droits antérieurs invoqués ;
  • Références de la marque contestée et des produits et services visés par la demande en nullité ou en déchéance ;
  • Exposé des moyens de l’action – étant précisé que le demandeur n’est pas obligé de soumettre une argumentation dans le cadre d’une action en déchéance intentée pour défaut d’usage sérieux ;
  • Justification du paiement à l’INPI de la redevance d’un montant de 600 euros ;
  • Le cas échéant, pouvoir du mandataire – ce pouvoir pouvant être communiqué à l’INPI dans un délai d’un mois à compter de la demande initiale.

S’en suit une phase contradictoire au cours de laquelle les parties seront amenées à échanger des observations écrites intervenant tous les deux mois selon calendrier. Tout comme pour les procédures d’opposition, l’INPI offre la possibilité de demander des auditions orales des parties.

A l’issue de cette phase contradictoire, le Directeur Général de l’INPI dispose d’un délai de 3 mois à compter de la fin de la phase contradictoire pour rendre une décision.

Cette décision est néanmoins susceptible de recours en réformation devant la Cour d’appel compétente au regard du lieu du domicile du défendeur. Ce recours devra être formé dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision aux parties. Pour rappel, la constitution d’avocat est obligatoire devant la Cour d’appel et le recours devant la Cour d’appel est suspensif en vertu des dispositions du Code de procédure civile.

Une procédure classique d’appel sera alors mise en place, au cours de laquelle les premières conclusions de l’appelant devront être signifiées dans un délai de 3 mois à compter de la notification de l’acte de recours.

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