La contrefaçon sur internet : quels réflexes adopter pour défendre ses droits ?

Vanessa Bouchara

 

Les entreprises font toutes face au même constat : La contrefaçon sur internet et sur les réseaux sociaux est devenue un enjeu majeur pour elles.

Ainsi, les sociétés ont pratiquement une obligation d’agir pour lutter efficacement contre la contrefaçon en général et contre la contrefaçon en ligne en particulier.

Il s’agit principalement de rassurer les clients des marques qui peuvent se méprendre en pensant acheter de vrais produits en ligne alors qu’elles acquièrent en réalité des contrefaçons. Il s’agit aussi et surtout de protéger l’image de la marque et la garantie d’exclusivité qui est donnée par la marque à ses clients. Par ailleurs, la contrefaçon alimente un trafic illicite colossal et fait souvent prendre des risques au consommateur, puisque les produits contrefaits ne respectent généralement pas les normes. Aussi, en luttant activement contre la contrefaçon, les marques participent à une action positive plus globale. Sans compter l’impact sur leurs ventes.

Tous les secteurs sont concernés par la contrefaçon en ligne (contrefaçon sur internet), que ce soit des produits de jeux, de mode, des cosmétiques, des médicaments, des pièces détachées dans le secteur de l’automobile, etc… qui sont mis en vente, sur différentes plateformes, au mépris des normes applicables en la matière. Il y a indéniablement un réel essor des plateformes asiatiques et notamment d’Alibaba, mais les plateformes traditionnelles telles que Ebay, Vinted, le Bon coin ou d’autres sites d’annonces, proposent régulièrement des produits contrefaits.

Quelques chiffres avant d’évoquer le droit (https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/web/observatory/report-on-trade-in-fakes):

  • Le commerce mondial des produits contrefaits représentait un montant de 412 milliards d’euros en 2019, soit 2,5 % du commerce mondial.
  • En 2019, les importations de produits contrefaits dans l’UE se chiffraient à 119 milliards d’euros, ce qui correspond à 5,8 % du total des importations entrant dans l’UE depuis le reste du monde.

 Selon un rapport récent de l’Assemblée Nationale (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cec/l15b3650_rapport-information.pdf) concernant la France, l’impact sur le territoire français est colossal puisque l’économie française perd près de 8 milliards d’euros chaque année, ce qui représente environ une perte de 40 000 emplois.

Selon un rapport récent de l’OCDE et de l’EUIPO (https://euipo.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/observatory/documents/reports/dangerous-fakes-study/dangerous-fakes_study_en.pdf) portant sur l’impact de la contrefaçon notamment au sein de l’Union Européenne, la pandémie a aggravé la tendance déjà existante de l’atteinte récurrente aux titulaires de droits de propriété intellectuelle en ligne, parfois même dans des conditions dangereuses pour le consommateur. Ainsi, il apparaît que 75 % des contrefaçons dangereuses saisies proviennent de Chine et de Hong Kong, suivies par la Turquie.

L’effet inéluctable de ces conséquences particulièrement graves pour les marques est que la lutte contre la contrefaçon est devenue un défi majeur pour les titulaires de droits. D’ailleurs, des études démontrent que plus une société met en place une politique d’action contre la vente de produits ou services contrefaits, plus elle est performante économiquement. Ce qui n’est pas étonnant étant donné la perte de ventes que les contrefaçons engendrent pour les titulaires de droits.

Les atteintes aux droits de propriété intellectuelle sont nombreuses et pour agir efficacement, il faut être en mesure de les identifier en faisant appel à des conseils à la fois spécialistes de la propriété intellectuelle et spécialistes du numérique.

Dans ces conditions, il est nécessaire de disposer d’un système de veille pour une protection plus efficace, ce que nous mettons d’ailleurs régulièrement en place pour nos clients, afin d’agir vite puisque plus le contenu se propage, plus il sera difficile de s’y attaquer efficacement.

Ainsi, en s’y prenant suffisamment tôt, il sera possible de lutter efficacement contre les différents types d’atteintes sur internet :

  • contrefaçon de marque, si le produit ou service vendu est identique ou similaire à ceux couverts par les droits dont la société que nous représentons est titulaire (nom de domaine contrefaisant, publications contrefaisantes, vente de produits contrefaits…),
  • contrefaçon d’autres actifs de propriété intellectuelle au sens du Code de la propriété intellectuelle et notamment de droits d’auteur, de dessins et modèles,
  • communication négative autour de la marque et de ses produits ou services (diffamation, dénigrement).

Chaque situation est différente, avec un régime d’action spécifique. Il convient donc d’adapter les moyens d’action et de suivre les évolutions législatives, ainsi que la jurisprudence.

Ainsi, plusieurs types de procédures peuvent être mises en place pour obtenir l’arrêt des atteintes, dépendant de la stratégie qui sera mise en place, allant du signalement auprès d’un réseau social ou d’actions permettant d’obtenir la fermeture d’un site internet proposant des contrefaçons (site dont la finalité n’est pas totalement claire, et qui pourrait être utilisé pour obtenir des données clients), d’une mise en demeure auprès d’un hébergeur, à l’action judiciaire en contrefaçon.

Nous privilégions généralement les actions rapides (auprès des plateformes ou des hébergeurs) qui permettent d’obtenir dans les meilleurs délais la cessation des agissements et notamment la fermeture d’un site, le retrait d’annonces, ou encore le transfert d’un nom de domaine au profit du véritable titulaire des droits de propriété intellectuelle (actions de type UDRP ou SYRELLI).

Parfois, les circonstances imposent de mettre en place d’autres types d’actions afin que la responsabilité des personnes impliquées dans les agissements contrefaisants puisse être engagée. Ainsi, nous sommes régulièrement amenés à saisir un Tribunal pour obtenir l’adresse IP de la personne à l’origine d’une publication.

Nous pratiquons parfois même des enquêtes poussées qui nous permettent de démanteler des réseaux, parfois organisés mondialement, afin d’obtenir la reconnaissance de leur responsabilité et la cessation d’atteintes coordonnées contre les marques de nos clients.

Ces actions doivent être structurées efficacement et la preuve des agissements litigieux sera essentielle. En général, nous aurons recours à des huissiers de justice pour établir des preuves des agissements reprochés (notamment via des constats d’achat) afin d’attraire la compétence du Tribunal français – figurant dans la liste des Tribunaux spécialisés en Propriété Intellectuelle, tels que le Tribunal de Paris, de Lyon ou de Strasbourg – et poursuivre les contrefacteurs devant le juge compétent ayant juridiction. Cela nous permet ensuite d’obtenir, en justice, la suppression du contenu litigieux ou même le blocage des sites internet contrefaisants les droits des titulaires que nous représentons.

Il n’y a pas d’action qui puisse être engagée au niveau international, ce qui est parfois regrettable. Toutefois, la loi permet d’obtenir un certain nombre de mesures qui s’avèrent efficaces en la matière, au niveau du territoire national.

Etant dans une démarche proactive, nous nous rendons compte que nous arrivons à d’excellents résultats qui permettent à nos clients d’entrer dans un circuit vertueux. Plus les actions sont efficaces, moins les contrefacteurs engagent des moyens conséquents contre la marque de nos clients.

Evidemment, nous suivons de près l’adoption, le 5 juillet dernier, par les députés européens du « Digital Markets Act » (DMA) et du « Digital Services Act » (DSA) qui ont pour objectif, en ce qui concerne le DMA, de réglementer les plateformes en ligne, et en ce qui concerne le DSA, de renforcer les obligations des intermédiaires et notamment des market places, des réseaux sociaux, des moteurs de recherche afin de lutter plus efficacement contre les contenus illégaux en ligne et notamment la contrefaçon.